Scandale: le président sud-africain face au spectre d'une destitution
Il risque d'être le premier président destitué de l'histoire sud-africaine : Cyril Ramaphosa, embourbé dans un scandale, est suspendu mardi à la décision du Parlement de voter ou non son renvoi.
Les parlementaires se réunissent en session extraordinaire à 12H00 GMT au Cap. Si plus de 50% d'entre eux jugent la sombre affaire de cambriolage qui le poursuit depuis des mois suffisamment grave, une procédure de destitution sera lancée.
M. Ramaphosa, 70 ans, qui a fait fortune dans les affaires avant d'accéder à la fonction suprême, est accusé d'avoir caché à la police et au fisc un cambriolage dans une de ses propriétés où il élève des bovins rares.
Ce jour de février 2020, des intrus sont repartis avec 580.000 dollars dénichés sous les coussins d'un canapé. Le fruit de la vente de vingt buffles, affirme le président. De l'argent sale, selon la plainte qui a fait éclater le scandale en juin.
M. Ramaphosa n'est pour l'heure pas inculpé, l'enquête de police se poursuit.
Un rapport parlementaire a conclu que M. Ramaphosa "a pu commettre" des actes violant la loi dans le cadre de l'affaire aux relents de corruption. C'est sur la base des conclusions rendues fin novembre par une commission indépendante de trois juristes que le Parlement doit se prononcer, trois jours avant une réunion capitale du parti au pouvoir.
- "Serrer les coudes" -
Le Congrès national africain (ANC) doit élire vendredi son prochain leader et potentiel futur chef de l'Etat, en cas de victoire du parti aux élections générales de 2024.
Cyril Ramaphosa, qui a déposé un recours auprès de la plus haute juridiction du pays pour faire invalider le rapport l'accablant, est candidat à la présidence du parti, qui choisit les chefs d'Etat depuis trente ans, face à son ancien ministre de la Santé.
Les caciques de l'ANC, sans successeur crédible, lui ont apporté un soutien officiel pour le sauver et préserver le parti. Ils ont appelé les parlementaires à voter mardi contre une procédure de destitution.
L'ANC étant largement majoritaire au Parlement avec 230 députés sur 400, la possibilité d'un départ forcé qui exigerait in fine un vote à la majorité des deux tiers, est peu plausible.
"Le plus probable est que les députés suivent la ligne du parti", estime l'analyste politique Ongama Mtimka. Même si la séance au Parlement risque d'être houleuse, avec une opposition réclamant à cor et à cri la démission de Cyril Ramaphosa depuis plusieurs jours.
Mais c'est l'ANC qui pourrait faire les frais du scandale. En proie à de profondes divisions et entaché par des affaires de corruption à répétition impliquant ses dirigeants, le parti faiblit dans les urnes depuis dix ans.
"Le parti va se serrer les coudes et défendre Cyril Ramaphosa" au Parlement, présage l'analyste indépendant Daniel Silke. Mais en 2024, l'ANC "pourrait perdre le pouvoir".
Ayant réuni moins de 50% des suffrages l'an dernier pour la première fois de son histoire lors d'élections locales, le parti de Nelson Mandela pourrait perdre sa majorité absolue lors des élections générales. Emmenant l'Afrique du Sud, dirigée par l'ANC depuis l'avènement de la démocratie, en terre inconnue.
I.Santos--ESF