Migrants dans la Manche : au moins quatre morts dans un naufrage
Au moins quatre migrants sont morts mercredi dans le naufrage de leur bateau de fortune dans la Manche alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Angleterre depuis la France, une nouvelle tragédie illustrant les dangers de ces traversées toujours plus nombreuses.
Au moment où l'Angleterre et le nord de la France connaissent des températures glaciales, la vaste opération coordonnée par les gardes-côtes britanniques a permis de secourir plus de 40 personnes, ont précisé les médias britanniques citant une source gouvernementale.
Un peu plus d'un an après un naufrage dans lequel 27 migrants avaient péri, le drame pose de nouveau la question de la coordination et des responsabilités du Royaume-Uni et de la France sur ce dossier, au coeur de fréquentes tensions entre les deux pays.
"Quatre décès ont été confirmés", a déclaré un porte-parole du gouvernement britannique. Le Premier ministre Rishi Sunak a exprimé son "chagrin" après cette "perte tragique de vies humaines".
Des images diffusées sur la chaîne de télévision Sky News montrent des migrants dans un canot pneumatique noir, visiblement trop petit pour transporter des dizaines de passagers, en train d'être secourus en pleine nuit.
Le capitaine d'un bateau de pêche en mer cette nuit a raconté sur Sky avoir été réveillé par un collègue lui disant qu'il "y a des migrants autour du bateau".
Depuis le début de l'année, près de 45.000 migrants ont effectué la dangereuse traversée dans ces eaux très fréquentées, du jamais vu.
- Risque d'hypothermie -
Plusieurs équipes de sauvetage du sud-est de l'Angleterre ont été mobilisées ainsi que deux hélicoptères britanniques et un de la marine française, selon les gardes-côtes.
L'alerte a été donnée à 03H05 (locale et GMT), selon le gouvernement britannique.
Mais l'association française d'aide aux migrants Utopia 56 a dit à l'AFP avoir été contactée dès 01H53 GMT au sujet d'un bateau en détresse par un message vocal avec une localisation dans les eaux françaises.
"A 03h40 (02H40 GMT), les gardes-côtes français nous ont dit que c'était les Anglais qui s'en chargeaient", a raconté Nikolaï Posner, un responsable d'Utopia 56, précisant qu'on ne "pourra jamais être réellement sûr" qu'il s'agit du bateau ayant fait naufrage malgré les éléments concordants.
"Le risque d'hypothermie suivie de la mort est extrêmement grand. (...) On n'a pas le luxe d'attendre pour intervenir."
- Système d'asile débordé -
Déjà en novembre 2021, 27 migrants âgés de sept à 46 ans avaient péri dans le naufrage de leur bateau en tentant de rejoindre l'Angleterre.
Des documents récemment dévoilés par le quotidien français Le Monde et consultés par l'AFP mettent en cause les secours français et britanniques, qui se sont renvoyé la balle sans porter assistance à l'embarcation.
Le nouveau naufrage mercredi intervient au lendemain de l'annonce par le Premier ministre britannique d'un vaste paquet de mesures destinées à lutter contre l'immigration illégale et après la signature mi-novembre d'une accord entre Paris et Londres sur le sujet.
Le dossier est hautement sensible pour les conservateurs, qui promettent depuis le Brexit de "reprendre le contrôle" des frontières alors que le nombre de traversées n'a jamais été aussi élevé, débordant complètement le système d'asile.
"Il est littéralement vital que nous mettions fin aux traversées illégales dans la Manche", a réagi mercredi Suella Braverman, la ministre britannique de l'Intérieur, qui a récemment créé la polémique en qualifiant d'"invasion" les arrivées de migrants.
Les mesures de Londres "auront un effet dissuasif et permettront de sauver des vies", a-t-elle argué, alors que les associations de soutien aux réfugiés demandent au contraire l'ouverture de routes migratoires sûres.
"Tant que nous n'aurons pas plus d'itinéraires sûrs et accessibles pour les personnes demandant l'asile, nous risquons de voir davantage d'incidents de ce type", a affirmé Alex Fraser, un responsable de la Croix Rouge britannique.
Au moins 205 migrants sont morts ou portés disparus en traversant la Manche depuis 2014, selon le Missing Migrants Project de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
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S.Delgado--ESF