Début du procès du prix Nobel bélarusse Ales Bialatski
Le procès du militant bélarusse pro-démocratie emprisonné Ales Bialiatski, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2022, a débuté jeudi à Minsk, a annoncé le centre Viasna qu'il a fondé, principal groupe de défense des droits humains du pays.
Le centre Viasna a précisé sur les réseaux sociaux que M. Bialiatski ainsi que ses collaborateurs Valentin Stefanovich et Vladimir Labkovich, jugés avec lui, ont pu être vus au tribunal dans la cage réservée aux accusés au début de l'audience. Les trois hommes sont détenus depuis juillet 2021.
Viasna ("printemps"), principal groupe de défense des droits de l'homme au Bélarus fondé par M. Bialiatski en 1996, est également co-lauréate du prix Nobel de la paix 2022, aux côtés de deux autres organisations de défense des droits de l'homme, Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).
Issus des trois principaux Etats protagonistes du conflit en Ukraine, les lauréats ont été couronnés pour leur engagement en faveur "des droits humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique" face aux forces autoritaires.
Agé de 60 ans, M. Bialiatski et ses compagnons ont été emprisonnés après les manifestations massives de 2020 contre le régime suite à la victoire auto-proclamée à l'élection présidentielle d'Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994.
Le mouvement a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Minsk et d'autres villes pendant des semaines avant d'être maté progressivement à coups d'arrestations massives, d'exils forcés et d'emprisonnements d'opposants, de responsables de médias et d'ONG.
Les Occidentaux ont adopté plusieurs trains de sanctions contre Minsk qui jouit en revanche du soutien indéfectible de Moscou.
Le Bélarus a servi de base arrière aux troupes russes pour leur offensive contre l'Ukraine lancée fin février 2022, mais l'armée bélarusse n'a pas pris part jusqu'à présent aux combats sur le territoire ukrainien.
- Procès en série -
Le début du procès-phare de Viasna sera suivi par celui des procès de journalistes indépendants et de Svetlana Tikhanovskaïa, figure de l'opposition bélarusse qui vit en exil.
MM. Bialiatski, Stefanovich et Labkovich étaient initialement accusés d'évasion fiscale.
"Ils encourent de 7 à 12 ans de prison", avait indiqué en novembre dernier Viasna, précisant qu'ils étaient accusés d'avoir fait transiter par la frontière bélarusse "une grande quantité d'espèces en groupe organisé" et d'avoir "financé des actions collectives portant gravement atteinte à l'ordre public".
Un quatrième accusé, Dmitri Soloviev, est jugé par contumace après s'être enfui en Pologne. "C'est un faux procès", a-t-il déclaré à l'AFP, "je n'ai pas confiance dans ce procès et dans ce qui va s'y passer".
Il a qualifié d'"absurdes" les accusations et de "théâtre" la procédure légale, ajoutant: "la loi n'existe pas au Bélarus. Le processus est entièrement contrôlé par un gouvernement de gangsters".
Lundi prochain doit débuter le procès de plusieurs journalistes du site Tut.by, principal média indépendant du Bélarus, dont la rédactrice en chef Marina Zolotova. Ils font face à une série d'accusations dont celles d'évasion fiscale et d'incitation à la haine. Le média avait été désigné comme "extrémiste" en 2021.
Le même jour sera présenté au tribunal de Grodno (Ouest) le journaliste et activiste bélarusso-polonais Andrzej Poczobut, 49 ans, correspondant à Minsk du journal polonais Gazeta Wyborcza arrêté en mars 2021. Il est accusé selon Viasna d'incitation à la haine et d'avoir appelé "à des actions visant à porter atteinte à à la sécurité nationale du Bélarus". Il encourt douze ans de prison.
Le 17 janvier débutera le procès par contumace de Mme Tikhanovskaïa, 40 ans, qui fait face à une multitude de charges dont celles de haute trahison, conspiration pour prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle ou création et conduite d'une organisation extrémiste.
Candidate à la présidentielle à la place de son mari emprisonné --Sergueï Tikhanovski, un vidéo-blogueur qui avait galvanisé l'opposition--, elle avait revendiqué la victoire à l'élection présidentielle de 2020 et vit dorénavant en exil en Lituanie.
Sergueï Tikhanovski a été condamné en décembre 2021 à 18 ans de prison pour "organisation de troubles massifs", "incitation à la haine dans la société", "troubles à l'ordre public" et "obstruction à la Commission électorale".
Le Bélarus comptait 1.448 prisonniers politiques à la date du 31 décembre, selon Viasna.
A.Pérez--ESF