Rugby: cerné et désavoué, Bernard Laporte démissionne de la présidence de la fédération française
Cerné par les affaires et désavoué par les clubs, Bernard Laporte, figure centrale du rugby français depuis plus de 20 ans, a démissionné vendredi de la présidence de la fédération (FFR), à sept mois du Mondial qui se déroulera en France.
Son départ a été annoncé en matinée par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, aux médias présents devant le siège de la FFR à Marcoussis, près de Paris, dont l'AFP.
Depuis sa condamnation le mois dernier à deux ans de prison avec sursis pour corruption, la ministre poussait vers la sortie cet animal politique qui avait occupé ce même poste au gouvernement entre 2007 et 2009, après avoir été entraîneur des Bleus (2000-2007) et avant de s'emparer de la présidence de la Fédération fin 2016.
"Je peux vous confirmer la démission de Bernard Laporte", a dit Amélie Oudéa-Castéra devant les locaux de la FFR à Marcoussis, où se tient un important comité directeur.
Cette réunion a pour objet de tirer les conclusions du vote organisé cette semaine auprès des quelque 1.500 clubs de rugby français, qui à 51,06% des votants ont dit "non" à la désignation de Patrick Buisson, un proche de Bernard Laporte, comme président-délégué.
A la suite de la démission de Laporte, les statuts de la Fédération rendent possible la désignation d'un président par intérim par le bureau fédéral, et ce jusqu'à la prochaine assemblée générale de juin. Cette option semblait avoir la préférence du comité directeur vendredi.
Mais pour Mme Oudéa-Castéra, "la "voie" qui lui semble "la plus claire, la plus nette, la plus légitime et aussi la plus rapide (...) (c'est) la voie d'une démission du comité directeur".
"On a tous envie que l'issue de cette crise se fasse le plus rapidement possible, a-t-elle dit aux journalistes présents devant les grilles de Marcoussis.
Jeudi, la ministre avait souligné la nécessité d'un retour rapide à la stabilité, et à une "gouvernance claire et légitime", alors qu'approche la Coupe du monde en France (8 septembre-28 octobre).
- "Tourner la page" -
"J'appelle de mes vœux une élection générale" sous six semaines comme le prévoient les statuts, a-t-elle ainsi insisté vendredi, une option également privilégiée par l'opposition incarnée par Florian Grill, selon qui "les clubs veulent tourner la page".
Vendredi matin, le président de la Ligue Île-de-France, qui sera candidat en cas de nouvelles élections, a annoncé à la presse que les neuf élus de sa liste "Ovale ensemble" avaient démissionné du comité directeur en guise de protestation contre l'attitude des pro-Laporte.
"On ne peut pas cautionner ce hold-up, cette manière de faire qui est une espèce de diktat sur le rugby français", a affirmé M. Grill. "La première des valeurs du rugby, c'est de respecter la démocratie. (Les membres du comité directeur fidèles à Bernard Laporte) ont décidé de s'accrocher (au sein du comité) et je le regrette".
Bernard Laporte a été condamné le 13 décembre à deux ans de prison avec sursis pour avoir noué un "pacte de corruption" avec l'homme d'affaires et président du club de Montpellier, Mohed Altrad.
Ayant fait appel de la décision, sa peine, assortie d'une interdiction d'exercer son activité de président de la FFR, n'était pas immédiatement exécutoire.
L'ancien sélectionneur des Bleus avait donc refusé de démissionner mais accepté, sous la pression conjointe de la ministre des Sports, de la Ligue nationale de rugby (LNR) et du comité d'éthique de la FFR, de se mettre en retrait derrière un président délégué jusqu'au procès en appel, qui ne devrait intervenir qu'après le Mondial-2023.
Mais sa position avait été encore fragilisée par sa garde à vue de quelques heures mardi, au lendemain de l'ouverture du vote, dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale aggravée. Même s'il en était ressorti libre sans poursuite à ce stade.
"Il est parfaitement scandaleux que le parquet ait choisi la date de l'élection de M. Patrick Buisson pour fixer celle de l'audition et que la divulgation de cette audition ait été faite le jour-même", avait protesté l'un des avocats de Bernard Laporte, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, fustigeant auprès de l'AFP "un acharnement du PNF".
G.Bardales--ESF