Effroi et incompréhension aux Etats-Unis après l'arrestation fatale de Tyre Nichols
Les images choquantes de l'interpellation fatale d'un jeune Afro-Américain par cinq policiers noirs ont suscité horreur et incompréhension aux Etats-Unis, sans provoquer pour le moment l'explosion sociale similaire à celle de l'été 2020 redoutée par les autorités.
Depuis que Tyre Nichols, 29 ans, est mort début janvier, sa famille a sans cesse appelé au calme. Et avant la publication en début de soirée vendredi de la vidéo, reprise en direct et sans coupes par les plus grandes chaînes de télévision, le président Joe Biden a appelé sa mère et son beau-père et exhorté à des manifestations pacifiques.
Des rassemblements allant de quelques dizaines à quelques centaines de personnes se sont tenus vendredi soir dans plusieurs villes, dont Memphis, New York et Washington, et d'autres sont encore prévus samedi.
Robert Jones, 26 ans, vendeur dans un magasin à Memphis, dont le centre-ville était peu animé en cette froide matinée, a vu des extraits de la vidéo.
"Il paraît que c'est une nouvelle année, mais les choses ne changent pas", a-t-il lâché en référence aux violences policières.
"C'est juste horrible de voir cinq gars corpulents battre cet homme dans tous les sens", a déploré de son côté Nancy Schulte, 69 ans, gouvernante dans un hôtel de la ville.
La vidéo publiée par la police montre un insoutenable passage à tabac après un banal contrôle routier le 7 janvier à Memphis, dans l'Etat du Tennessee. A coups de poing, de pied, de matraque, les policiers s'acharnent sur le jeune homme, l'aspergent de gaz lacrymogène et le visent avec un pistolet Taser à décharges électriques.
A aucun moment on ne voit Tyre Nichols riposter. Il tente de s'enfuir, est rattrapé. "Maman. Maman. Maman!", crie-t-il dans un des extraits.
Les faits se seraient produits à une centaine de mètres de chez sa mère. Et l'ambulance n'est arrivée qu'au bout d'une vingtaine de minutes.
Tyre Nichols est mort trois jours plus tard dans un hôpital de Memphis.
- "Culture" policière -
Les cinq policiers ont été licenciés, inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d'entre eux ont ensuite été libérés sous caution.
Vendredi, tout en se disant horrifiée, la famille s'était déclarée "satisfaite" des chefs d'inculpation retenus contre les cinq policiers et avait salué la "rapidité" des mesures prises à leur encontre.
"Ça aurait pu être moi" à la place de Tyre Nichols, a réagi après avoir vu la vidéo Demarcus Carter, Afro-Américain de 36 ans vivant à Memphis, qui s'attendait à ce que les manifestations soient plus importantes.
Mais une fois qu'un procès aura eu lieu, "si le verdict n'est pas le bon alors les manifestations seront plus grosses", a-t-il prédit.
Certaines questions restent en suspens après la diffusion des images de l'arrestation.
La vidéo ne montre par exemple pas le début de l'interaction entre Tyre Nichols et le groupe.
Cette nouvelle mort après une arrestation a relancé le débat sur les violences policières dans le pays, où le souvenir de George Floyd, tué en 2020 par un policier blanc, reste vivace, avec le sentiment que les grandes manifestations qui avaient suivi n'ont rien réglé au problème.
Ben Crump, l'un des avocats de la famille de Tyre Nichols, a blâmé une "culture policière institutionnalisée".
"Peu importe que le policier soit noir, hispanique ou blanc (...). Il y a des règles non écrites selon lesquelles si une personne est issue d'un certain groupe ethnique, alors on peut la traiter avec un usage excessif de la force", a-t-il dit samedi sur la chaîne MSNBC.
"Maintenant, nous devons profiter de cette opportunité pour pouvoir avoir cette conversation en Amérique et dire que c'est cette culture qui a tué Tyre Nichols", a-t-il ajouté.
V.Martin--ESF