Pierre Palmade, un clown triste
Père de toute une génération d'humoristes, Pierre Palmade, dont le pronostic vital était engagé vendredi soir après un accident de la route, lutte depuis plus de 30 ans par l'humour contre ses terreurs existentielles.
Le comédien et metteur en scène de 54 ans a été très grièvement blessé en début de soirée lors d'un accident en Seine-et-Marne.
D'Alex Lutz à Vincent Dedienne, le complice de Muriel Robin et de Michèle Laroque a influencé une bonne partie de la relève comique avec ses spectacles d'anthologie comme "Ma mère aime beaucoup ce que je fais" (1989), "Ils s'aiment" (1996), "Ils se sont aimés" (2001), "J'ai jamais été aussi vieux" (2010).
Avec son regard exorbité, son profil pointu, sa silhouette tout en jambes et en bras, Pierre Palmade a conquis un large public, enchaînant les succès avec ses seul-en-scène, ses pièces de boulevard ("Si c'était à refaire", "Pierre et Fils", "Le Comique") et des records d'audience à la télévision ("Les Fugueuses", "Le grand restaurant").
Burlesque, son humour cible d'abord l'homme ordinaire avec ses petits mensonges et ses mesquineries puis va, au fil des années, se centrer sur lui-même, fêtard angoissé à la sexualité ambivalente.
"C'est mon exhibitionnisme intellectuel qui me pousse à monter sur scène. Mes peurs de mourir et mes rapports compliqués aux autres: ma mère, mes amours, ma sexualité", confie-t-il à Paris Match en 2001.
Cette même année, alors qu'il est marié depuis six ans avec Véronique Sanson, il révèle sa bisexualité devant la caméra de Mireille Dumas. "Si je peux avoir des ambiguïtés avec des hommes, je ne peux être romantique qu'avec des femmes. (...) Je ne peux me réduire à l'homosexualité sous prétexte que je suis régulièrement attiré par des garçons".
Après son divorce en 2004, son orientation sexuelle va de plus en plus nourrir ses spectacles. Il fera polémique en avouant sa "tristesse d'être homo".
- Orphelin à 8 ans -
Né le 23 mars 1968 à Bordeaux, d'une professeur d'anglais et d'un obstétricien, Pierre Palmade affirme avoir perdu "tous repères masculins à 8 ans". Son père, appelé pour un accouchement, meurt une nuit, la voiture lancée contre un arbre.
"Il n'y aura plus jamais personne au-dessus de moi. Plus jamais aucune autorité", confie-t-il à Libération. Sa mère refuse qu'il assiste aux obsèques, il en garde une impossibilité à faire son deuil.
C'est au milieu de femmes qu'il forme son sens de l'humour, versé dans l'autodérision. Il singe Jacqueline Maillan fasciné par ses jeux de rupture et son outrance.
A 19 ans, il arrête sa prépa HEC et part pour Paris pour devenir "drôle et célèbre". Premières rencontres: Guy Bedos interprète ses premiers sketchs puis Sylvie Joly met en scène son premier one-man show au théâtre du Point-Virgule, "Ma mère aime beaucoup ce que je fais". Avec "le joint", "le colonel", le spectacle remporte un large succès et fait connaître le jeune homme d'1m84.
La critique lui reconnaît un talent d'écriture qui ramasse en peu de mots l'absurdité du quotidien et de troublantes intonations communes à Muriel Robin, "son double", "sa soeur".
Il découvre la nuit. "Etre connu me faisait kiffer, la nuit était le prolongement de la scène", confie-t-il au JDD.
"Persuadé que la vie ne dure que le temps d'une boum", l'angoisse de vieillir le jette jusqu'au bout de la nuit.
Après quinze ans de fêtes et une condamnation en 1995 pour consommation de cocaïne, il avoue "être tombé dans une maladie nommée dépendance".
Deux ans plus tard, il affirme avoir remonté la pente. En 2019, il est placé en garde à vue pour "usage et acquisition de stupéfiants" après avoir été faussement accusé de viol.
- "Mal compris" -
En 2020, après quatre mois d'arrêt forcé en raison du confinement, il confiait à l'AFP sa joie de retrouver la scène et "le plaisir de faire rire".
Avec son spectacle "Assume, bordel !", il abordait toutes les thématiques du couple homo.
"Je n'avais pas bien digéré ce malentendu avec la communauté gay... Avec cette pièce, j'espère me faire pardonner des gens qui m'ont mal compris", expliquait-il à l'AFP à propos des polémiques passées.
C.M.Diaz--ESF