Chypre élit son président au second tour d'un scrutin incertain
Les Chypriotes votent dimanche pour le second tour d'une élection présidentielle à l'issue incertaine opposant deux diplomates, dont le vainqueur aura pour mission de lutter contre l'inflation et la corruption et de relancer les pourparlers de paix sur l'île divisée, membre de l'Union européenne
Les 1.113 bureaux de vote ont ouvert à 07H00 (05H00 GMT) dimanche et ferment à 18H00 (16H00 GMT) avec une pause d'une heure à midi.
Le scrutin s'annonce serré: Nikos Christodoulides, 49 ans, chef de la diplomatie entre 2018 et 2022, est arrivé en tête du premier tour avec 32,04% des suffrages, devançant de peu un autre diplomate chevronné, Andreas Mavroyiannis, 66 ans (29,59%), ancien ambassadeur en France et en Irlande.
Nikos Christodoulides, soutenu par les partis centristes, et Andreas Mavroyiannis, appuyé par le parti communiste Akel, se présentent comme des candidats indépendants. Le parti conservateur au pouvoir Disy a décidé de ne soutenir ni l'un ni l'autre après la défaite au premier tour, le 5 février, de son chef, Averof Neofytou.
Au bureau de vote de l'école primaire de Agios Antonios à Nicosie, Dora Petsa, 75 ans, une retraitée venue voter en famille, attend du futur président "qu'il règle la question chypriote (...) pour qu'on puisse vivre ensemble avec les Chypriotes-turcs".
Louis Loizides, 51 ans, estime lui qu'il y a "beaucoup trop de problèmes intérieurs (...), à mon sens l'immigration et l'économie sont les deux priorités", confie-t-il.
- Jeu ouvert -
Le vainqueur succèdera au président de droite Nicos Anastasiades, 76 ans, qui achève deux mandats de cinq ans.
Son parti Disy, qui a exclu M. Christodoulides pour s'être porté candidat contre l'avis du parti, a refusé de donner des consignes de vote et s'est déclaré parti de l'opposition, laissant le jeu ouvert.
Hubert Faustmann, professeur de politique et d'histoire à l'Université de Nicosie, prédit "un résultat serré" qui se jouera "sur le choix des électeurs de Disy".
Selon Fiona Mullen, analyste du cabinet de consultants Sapienta Economics à Nicosie, l'issue du vote dépendra en partie de la capacité de M. Mavroyiannis à convaincre que les communistes d'Akel ne prendront pas les rênes de l'économie s'il l'emporte, à l'heure où la hausse des prix de l'énergie et de la nourriture reste en tête des préoccupations des Chypriotes.
L'inflation a atteint 10,9% en 2022, avant un ralentissement en janvier, à 7,1%.
Les communistes ont été très critiqués pour leur gestion de la crise financière de 2012-2013, qui a failli précipiter Chypre, pays membre de la zone euro, dans la faillite, et l'a conduit à solliciter un plan de sauvetage auprès de bailleurs internationaux.
Pour rassurer, M. Mavroyiannis a par avance annoncé le nom de celui qui serait son ministre de l'Economie. Il a choisi un juriste connu, Charalambos Prountzos, expert en droit des entreprises et de l'énergie.
- Lutte contre la corruption -
Le futur président sera aussi appelé à relancer les pourparlers de paix à l'arrêt depuis 2017. L'île de Chypre, qui a rejoint l'Union européenne en 2004, est divisée depuis l'invasion par la Turquie en 1974 de son tiers nord, en réponse à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient rattacher le pays à la Grèce.
La République de Chypre n'exerce son autorité que sur la partie sud de l'île, séparée par la Ligne verte, une zone démilitarisée contrôlée par l'ONU, de la République turque de Chypre-Nord (RTCN), autoproclamée et reconnue seulement par Ankara, où vivent les Chypriotes-turcs.
M. Mavroyiannis, ancien chef des négociateurs chypriotes-grecs dans les pourparlers sur la réunification (2013-2022), a promis s'il est élu de rouvrir les discussions dès le premier jour. M. Christodoulides affiche une position plus dure.
La lutte contre la corruption a dominé aussi le débat électoral, notamment après le scandale des "passeports en or". Ce programme d'octroi de passeports contre des investissements sur l'île a dû être annulé en raison d'allégations de corruption.
Autre sujet sensible sur cette île proche des côtes du Moyen-Orient et de la Turquie: l'afflux de migrants, pour lequel les deux candidats ont promis d'agir. Les autorités affirment que 6% des 915.000 personnes vivant dans le sud de l'île sont des demandeurs d'asile.
D.Sánchez--ESF