Pierre Palmade, l'humoriste devenu infréquentable
L'humoriste Pierre Palmade est devenu un justiciable et un paria après un grave accident de voiture causé sous l'emprise de la cocaïne et ayant jeté une lumière crue sur ses lourds problèmes d'addictions.
Le comédien et metteur en scène de 54 ans n'avait jamais caché qu'il luttait depuis plus de 30 ans par l'humour contre ses terreurs existentielles.
Le 10 février, en percutant sur une route départementale une voiture, il a fait trois blessés graves au sein d'une même famille: un homme, son fils de 6 ans et sa belle-sœur enceinte, qui a perdu son bébé. Et entamé sa descente aux enfers.
Depuis, révélations en cascade sur ses addictions (alcool, stupéfiants, chemsex), accusations de détentions d'images pédopornographiques, perquisitions à son domicile rythment les journaux des chaînes d'info.
La justice a ordonné lundi son placement en détention provisoire.
En revanche, silence radio du côté des proches, ses complices Muriel Robin et Michèle Laroque, comme la génération d'humoristes à qui il a mis le pied à l'étrier, d'Alex Lutz à Vincent Dedienne.
Avec son regard exorbité, sa silhouette dégingandée, Pierre Palmade avait conquis un large public, enchaînant les succès avec ses spectacles comme "Ils s'aiment" (1996), "Ils se sont aimés" (2001), "J'ai jamais été aussi vieux" (2010), ses pièces de boulevard et des records d'audience à la télévision ("Le grand restaurant").
Burlesque, son humour cible d'abord l'homme ordinaire avec ses petits mensonges et ses mesquineries puis va, au fil des années, se centrer sur lui-même, fêtard angoissé.
"C'est mon exhibitionnisme intellectuel qui me pousse à monter sur scène. Mes peurs de mourir et mes rapports compliqués aux autres: ma mère, mes amours, ma sexualité", confiait-il à Paris Match en 2001.
Cette même année, alors qu'il est marié depuis six ans avec Véronique Sanson, il révèle sa bisexualité devant la caméra de Mireille Dumas.
"Si je peux avoir des ambiguïtés avec des hommes, je ne peux être romantique qu'avec des femmes. (...) Je ne peux me réduire à l'homosexualité sous prétexte que je suis régulièrement attiré par des garçons".
- Monde de la nuit -
Après son divorce en 2004, son orientation sexuelle va de plus en plus nourrir ses spectacles. Il fera polémique en avouant sa "tristesse d'être homo".
Né le 23 mars 1968 à Bordeaux, d'une professeur d'anglais et d'un obstétricien, Pierre Palmade affirme avoir perdu "tous repères masculins à 8 ans".
Son père, appelé pour un accouchement, meurt une nuit, la voiture lancée contre un arbre. Sa mère refuse qu'il assiste aux obsèques, il en garde une impossibilité à faire son deuil.
C'est au milieu de femmes qu'il forme son sens de l'humour, versé dans l'autodérision. Il singe Jacqueline Maillan, fasciné par ses jeux de rupture et son outrance. A 19 ans, il arrête sa prépa HEC et part pour Paris.
Premières rencontres: Guy Bedos interprète ses premiers sketchs puis Sylvie Joly met en scène son premier one-man show "Ma mère aime beaucoup ce que je fais". Avec "le joint", "le colonel", le spectacle remporte un large succès et fait connaître le jeune homme.
La critique lui reconnaît un talent d'écriture qui ramasse en peu de mots l'absurdité du quotidien et de troublantes intonations communes à Muriel Robin, "son double", "sa soeur".
Il découvre aussi la nuit. "Etre connu me faisait kiffer, la nuit était le prolongement de la scène", confie-t-il au JDD. Après quinze ans de fêtes et une condamnation en 1995 pour consommation de cocaïne, il avoue "être tombé dans une maladie nommée dépendance".
Deux ans plus tard, il affirme avoir remonté la pente. Mais en 2019, il est placé en garde à vue pour "usage et acquisition de stupéfiants" après avoir été faussement accusé de viol.
En 2020, après quatre mois d'arrêt forcé en raison du confinement, il confiait à l'AFP sa joie de retrouver la scène et "le plaisir de faire rire".
Avec son spectacle "Assume, bordel !", il abordait toutes les thématiques du couple homo. "Avec cette pièce, j'espère me faire pardonner des gens qui m'ont mal compris", expliquait-il.
A.Barbero--ESF