Assassin's Creed Mirage: les gamers d'Irak revivent "le passé glorieux de Bagdad"
"La bande-son est grandiose": dans la pénombre d'une salle de jeux vidéos, Mohammed Bachir s'extasie devant un écran géant en découvrant Assassin's Creed Mirage, nouvel opus de la saga historique qui fait honneur à sa ville de Bagdad et explore l'univers fantasmé des califes abbassides.
Sorti jeudi, le dernier volet de la série vedette de l'éditeur français Ubisoft plonge les joueurs dans l'Irak du IXe siècle, des villages luxuriant bordant le fleuve Euphrate jusqu'à la médiévale "Cité de la paix" de Bagdad, haut-lieu de la culture et des sciences.
Le tout avec des personnages s'exprimant en arabe classique.
Pour Mohamed, concepteur graphique de 30 ans, le pari est gagné: "nous attendions un jeu qui montre la culture arabe et islamique, la culture et l'histoire de l'Irak et de cette région, qui n'est pas faite uniquement de guerres et de terrorisme".
Dans la salle aux murs noirs faiblement éclairée par des néons bleu fluo, près de joueurs absorbés par une partie de foot, Mohamed suit à l'écran les premiers pas de son héro Basim, voleur à la tire qui se transforme en maître assassin redoutable.
Dissimulé dans des roseaux, il bondit sur un garde et l'assomme. Il escalade la façade d'un bâtiment, s'accroche à une corde où le linge sèche au dessus d'une ruelle. De l'Assassin's Creed pur jus.
"Il y a de la musique irakienne!", s'exclame un spectateur. "La bande-son est grandiose", abonde Mohammed. "Ils utilisent les vrais noms des califes" abbassides, commente un autre spectateur: car le 10ème calife, Al-Mutawakil, vient d'apparaître à l'écran.
- "Passé glorieux" -
Dans "Assassin's Creed Mirage", Bagdad apparaît avec ses dômes de mosaïques turquoises, similaires à ceux des mosquées que l'on voit parfois dans la capitale irakienne d'aujourd'hui.
Les palmiers bordent le fleuve Tigre, qui ne souffre pas encore de la sécheresse. Dans les souks animés, les artisans du cuivre côtoient les vendeurs de tapis.
Les créateurs disent avoir oeuvré pour avoir un jeu fidèle à la réalité historique.
Ayant grandi dans un Irak chamboulé par des décennies de conflits et d'instabilité politique, Mohamed parle d'un sentiment "aigre-doux".
"C'est beau de voir le passé glorieux de Bagdad", dit celui qui poste sur YouTube et Instagram des critiques de jeux vidéos.
Il rappelle que les concepteurs du jeu "recréent une ville perdue", car la ville abbasside "n'a pas laissé de traces". Il y a aussi "de l'amertume quand on sait ce que la ville a vécu ces dernières années."
Et l'histoire récente de l'Irak inspire aussi le monde des jeux vidéos. Cet été, un concepteur a lancé en accès anticipé "Six jours à Falloujah": les joueurs se glissent dans la peau de Marines américains durant la bataille en 2004 de cette ville à l'ouest de Bagdad -- "une des plus sanglantes au monde en un demi-siècle".
Mais Assassin's Creed Mirage "va parvenir à des millions de personnes" et donner au public étranger "une image positive sur les origines de Bagdad", se réjouit Haider Jaafar, qui dirige la Fédération irakienne des jeux électroniques.
"Quand on participe à des compétitions internationales (...) les gens nous disent: +vraiment? vous avez des centres de jeux vidéos et Internet+", s'amuse le propriétaire du "Cooldown cybercafé".
- "Assalam Alikoum" -
Mostapha Mahmoud attendait le jeu "avec impatience". Gamer invétéré depuis ses 12 ans, il n'a pas manqué un seul volet de "Assassin's Creed".
"Nous avons vu les épisodes précédents en France, en Grèce, en Egypte. Nous étions enthousiastes de voir l'Irak", poursuit l'étudiant qui travaille comme informaticien au cybercafé.
Assassin's Creed Mirage était aussi très attendu chez les gamers d'Arabie saoudite.
Sur YouTube, le compte Gamer Snack --tenu par Khaled Almutairi et suivi par plus de deux millions d'abonnés-- a disséqué le jeu dès la mi-septembre, après avoir testé une version préliminaire dans les locaux Ubisoft-Abou Dhabi.
Le gamer dit avoir "plongé dans l'environnement arabe et islamique". Dans cette vidéo compte-rendu du 12 septembre, il trouve "merveilleux" d'entendre l'appel à la prière.
"Même l'expression Assalam Alikoum est utilisée dans la version anglaise (...) imaginez que certains personnages font leur prière", se réjouit-il.
Le critique estime toutefois que "la coordination entre le mouvement des lèvres des personnes et le doublage en arabe est médiocre."
D.Serrano--ESF