El Siglo Futuro - Allemagne: verdict contre un Gambien accusé de crime contre l'humanité

Madrid -
Allemagne: verdict contre un Gambien accusé de crime contre l'humanité
Allemagne: verdict contre un Gambien accusé de crime contre l'humanité / Photo: © POOL/AFP/Archives

Allemagne: verdict contre un Gambien accusé de crime contre l'humanité

La justice allemande rend jeudi un verdict très attendu contre un Gambien soupçonné de "crime contre l'humanité" dans le cadre du premier procès dans le pays pour des exactions commises sous le régime de l'ancien président Yahya Jammeh.

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Présenté par les médias comme Bai Lowe mais seulement identifié comme Bai L. par la justice allemande, le suspect est accusé d'avoir participé à des assassinats dans son pays entre 2003 et 2006, dont celui du correspondant de l'AFP Deyda Hydara, abattu par balles le 16 décembre 2004.

Il est soupçonné d'avoir été un chauffeur des "Junglers", escadron de la mort gambien créé par le pouvoir en place au milieu des années 1990 afin d'intimider ou d'éliminer toute forme d'opposition.

Le parquet a requis une condamnation à perpétuité "pour crime contre l'humanité, meurtre et tentative de meurtre dans trois cas au total", sans retenir toutefois des "circonstances aggravantes" qui, en Allemagne, rendent quasi-impossible une remise en liberté conditionnelle après 15 ans sous les verrous.

S'exprimant via son avocat lors d'une audience en octobre 2022, l'accusé de 48 ans a nié toute participation aux actes qui lui sont reprochés. La défense a plaidé son acquittement.

Le tribunal de Celle, en Basse-Saxe (nord) doit rendre son jugement vers 08H00 GMT.

- Compétence universelle -

Réfugié en Allemagne depuis 2012, Bai Lowe a été interpellé à Hanovre en mars 2021.

Son procès est possible car l'Allemagne se reconnaît une compétence universelle pour certains crimes graves en vertu du droit international. Cela lui permet de juger sur son sol des suspects indépendamment de leur nationalité ou du lieu où les crimes présumés ont été commis.

Le pays a déjà condamné notamment des Syriens pour des atrocités commises pendant la guerre civile dans le pays.

Concrètement, les procureurs accusent le Gambien d'être impliqué dans une tentative de meurtre d'Ousman Sillah, un avocat, le meurtre de Deyda Hydara, une tentative de meurtre d'Ida Jagne et de Nian Sarang Jobe, qui travaillaient pour le journal co-fondé par Hydara, et le meurtre d'un ancien soldat gambien, Dawda Nyassi.

L'intéressé a lui affirmé s'être accusé d'actes qu'il n'aurait pas commis, notamment lors d'interviews, dans l'intention de montrer à ses concitoyens la cruauté du régime de Yahya Jammeh (1994-2017).

Une ligne de défense jugée peu crédible par les parties civiles. Baba Hydara, fils de Deyda Hydara, s'est dit "déçu, insulté et trahi par la déclaration de Bai Lowe qui trahit le bon sens".

- "Le long bras de la justice" -

L'accusé n'est certes "pas l'auteur principal, mais les crimes n'auraient pas pu être commis sans lui", souligne Patrick Kroker, l'avocat de Baba Hydara.

Pour les proches des victimes et les ONG, le jugement de Celle doit avoir valeur de mise en garde pour les auteurs de crimes sous la dictature.

"Le long bras de la justice a rattrapé Bai Lowe en Allemagne, comme il rattrape déjà des hommes de main de Yahya Jammeh partout dans le monde et rattrapera aussi je l'espère Jammeh lui-même", a déclaré dans un courriel à l'AFP Reed Brody, un avocat de la Commission internationale de juristes qui travaille avec les victimes.

Parmi les autres procédures en cours hors Gambie figure celle de Ousman Sonko, ex-ministre de l'Intérieur, qui est poursuivi en Suisse depuis 2017 pour crimes contre l'humanité.

Un autre collaborateur de M. Jammeh, Michael Sang Correa, devrait être jugé aux Etats-Unis.

Alors que l'ancien président vit en exil en Guinée équatoriale, pays avec qui la Gambie n'a aucun accord d'extradition, le gouvernement gambien a lui aussi commencé à faire son travail sur les quelque 22 ans de dictature.

Il a annoncé en février œuvrer avec l'organisation des Etats ouest-africains à la mise sur pied d'un tribunal chargé de juger les crimes commis sous l'ancien dictateur.

Il s'agit d'un des gros dossiers sur le bureau d'Adama Barrow, qui a succédé à M. Jammeh à la tête du plus petit pays d'Afrique continentale à la faveur d'une victoire surprise à la présidentielle de 2016.

S.Lopez--ESF