Sandra Day O'Connor, première femme à la Cour suprême américaine
Première femme à rejoindre la Cour suprême américaine, en 1981, la juge Sandra Day O'Connor était une conservatrice modérée et pragmatique, dont les positions ont souvent favorisé le compromis au sein de l'institution qu'elle avait quittée en 2006.
Considérée par beaucoup comme "la femme la plus puissante d'Amérique" pendant ses quelque 25 sur les bancs de la Cour, Mme O'Connor est décédée vendredi à 93 ans, après des années à combattre Alzheimer.
Elle avait été nommée en septembre 1981 par le président républicain Ronald Reagan, mettant un terme à 191 ans d'exclusivité masculine à la haute cour. Elle était d'ailleurs restée le seul élément féminin jusqu'à ce que Bill Clinton nomme Ruth Bader Ginsburg, en 1993.
"Le pouvoir que j'exerce sur la Cour dépend du pouvoir de mes arguments, pas de mon genre", avait-elle déclaré en 1990.
Nommée à vie, elle a quitté la Cour début 2006, notamment pour pouvoir aider son mari John O'Connor à combattre Alzheimer.
- Avortement -
Conservatrice modérée, elle a souvent fourni la cinquième voix décisive parmi les neufs juges, votant selon les cas avec ses collègues conservateurs - par exemple lors du blocage du recompte des voix en Floride lors de l'élection présidentielle de 2000, ouvrant la Maison Blanche à George W. Bush - ou avec les progressistes.
Beaucoup de juristes et avocats sont ainsi venus défendre leur dossier devant la Cour en s'adressant avec un soin particulier à Mme O'Connor.
"La règle de droit (...) doit être suffisamment flexible pour s'adapter aux différentes circonstances", déclarait-elle en 2001.
Son influence sur la question du droit à l'avortement en particulier a été emblématique.
En 1989, Sandra Day O'Connor a refusé de rejoindre quatre juges prêts à remettre en cause l'arrêt Roe vs Wade de 1973 faisant de l'avortement un droit constitutionnel. Les opposants à l'IVG ont dû attendre juin 2022 pour obtenir un revirement historique, grâce à des arrivées de magistrats conservateurs nommés par Donald Trump.
- Nommée par Reagan -
Née le 26 mars 1930 à El Paso, au Texas, Sandra Day grandit en Arizona dans un ranch immense et isolé, au sein d'une famille peu religieuse, ouverte aux débats intellectuels et aux voyages, où elle apprend aussi à conduire dès l'âge de 7 ans et à tirer au pistolet.
Elle intègre la prestigieuse Université Stanford en Californie, où son père rêvait d'étudier. Elle y obtient son diplôme de droit avec les honneurs en 1952, y rencontre son mari, John O'Connor, devient avocate. Le couple a trois fils.
Mme O'Connor devient ensuite procureure-adjointe, est élue à l'assemblée de l'Etat de l'Arizona.
En 1981, lorsque Ronald Reagan, qui a promis pendant sa campagne de nommer une femme à la Cour suprême, pense à elle, Sandra O'Connor est juge en Arizona et à l'époque une quasi inconnue hors des frontières de son Etat.
Soudain sous les feux des projecteurs, au terme d'une nomination historique, elle est d'abord la cible des critiques et des sceptiques, qui relèvent son manque d'expérience. Certains, à droite, s'inquiètent alors de ses vues sur l'avortement, tandis que d'autres à gauche se préoccupent de ses positions sur les questions féministes.
Mais elle se lance vite dans ses dossiers, et assez rapidement s'impose par son indépendance et sa force de travail.
- Décorée par Obama -
En 1988, on lui découvre un cancer du sein nécessitant une délicate opération. Cette femme énergique à l'abondante chevelure argentée ne s'absente que deux semaines de la prestigieuse institution.
Après son départ de la Cour en 2006, elle fonde en 2009 l'organisation iCivics pour enseigner en ligne aux collégiens et lycéens les bases de l'éducation civique.
Avant de quitter la vie publique en 2018 pour combattre Alzheimer à son tour, c'est un président démocrate, Barack Obama, qui lui remet la plus haute distinction civile américaine, la Médaille de la liberté, en 2009. Il salue alors son ascension éclair dans un monde dominé par les hommes.
"Sandra Day O'Connor est comme le pèlerin dans un poème qu'elle cite parfois, celui qui a dégagé un nouveau chemin et construit un pont pour que tant d'autres femmes puissent la suivre".
La Cour suprême américaine compte désormais 4 juges femmes sur 9.
M.E.Molina--ESF