Bosnie: Milorad Dodik fait une brève apparition au tribunal, son procès ajourné
Le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, a fait une brève apparition mercredi à Sarajevo au premier jour de son procès, qui s'est ouvert quelques minutes avant d'être ajourné, ses avocats ayant demandé la délocalisation des débats dans sa ville de Banja Luka.
M. Dodik, 64 ans, doit être jugé pour non-respect de l'autorité du Haut représentant international chargé de veiller à l'application des accords de paix ayant mis un terme à la guerre interethnique (1992-1995) dans cette ex-république yougoslave.
L'incontournable chef de la Republika Srpska (RS), l'entité serbe de Bosnie, est le premier dirigeant politique à comparaître pour ces charges. Il risque jusqu'à cinq ans de prison et une interdiction d'activité politique.
Longuement applaudi à son arrivée dans la salle d'audience par un public composé de dirigeants politiques des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik a refusé de se lever pour écouter les premiers mots du juge.
"Si vous refusez de vous lever, je pourrais prendre la décision de vous éloigner de la salle d'audience mais je ne le ferai pas cette fois-ci", a dit à l'accusé le juge Mirsad Strika. "Comme ça vous arrange", lui a répondu M. Dodik.
Au moment où le juge a demandé au Parquet de commencer la lecture de l'acte d'inculpation, l'avocat de M. Dodik, Me Goran Bubic, a réclamé le report du procès en attendant la décision concernant sa demande de délocaliser les débats devant un tribunal de Banja Luka, chef-lieu de la RS.
La cour doit rendre sa décision dans les prochains jours. S'il est maintenu à Sarajevo, le procès reprendra le 20 janvier.
En sortant du tribunal, M. Dodik a de nouveau dénoncé un "procès politique" rendu possible, selon lui, par l'intervention d'un "étranger qui modifie des décisions et impose des lois", en référence aux mesures prises dernièrement par le Haut représentant international, Christian Schmidt.
Il a au passage insulté le diplomate allemand et l'ambassadeur des Etats-Unis en Bosnie, Michael Murphy, deux hommes dont il a dénoncé "le comportement colonial" et qu'il accuse régulièrement d'être les instigateurs de son procès.
- "Séparation dans la paix" -
S'il se tient jusqu'au bout un jour, ce procès sera sans précédent en Bosnie, pays des Balkans qui continue à être rongé par ses divisions internes près de trois décennies après la fin de la guerre.
Milorad Dodik, admirateur du président russe Vladimir Poutine, est accusé d'avoir promulgué en juillet, en sa qualité de président de la RS, deux lois adoptées en juin par le Parlement de l'entité serbe et aussitôt annulées par Christian Schmidt.
Les textes disposaient que les arrêts de la Cour constitutionnelle bosnienne et les décisions du Haut représentant ne seraient plus respectés dans l'entité serbe.
En annulant ces lois, M. Schmidt a en même temps modifié le Code pénal du pays en y introduisant le délit de non-respect de ses propres décisions, ce qui a permis au Parquet d'inculper M. Dodik.
L'administrateur international, dont le poste a été créé par l'accord de paix de Dayton en 1995, est doté de pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent d'imposer de lois ou de limoger des élus.
M. Dodik affirme que l'objectif du procès est de l'empêcher de faire de la politique parce qu'il s'oppose au renforcement de l'Etat central bosnien.
Aligné sur la position de Moscou, qui considère que M. Schmidt est "illégitime" car sa nomination n'a pas été validée par le Conseil de sécurité de l'ONU, comme celles de ses prédécesseurs, Milorad Dodik rejette l'autorité de l'homme politique allemand depuis son arrivée en Bosnie en 2021.
Christian Schmidt a été nommé par le Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC), dominé par les puissances occidentales.
Sanctionné par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour ses projets séparatistes, M. Dodik ne cesse ces derniers temps d'évoquer l'indépendance de son entité.
A l'occasion du 28e anniversaire de l'accord de paix, fin novembre, il a déclaré que le sort de la Bosnie serait scellé par une "séparation dans la paix".
"Le processus est lancé. Le train a quitté la gare et ne peut plus faire marche arrière, c'est définitif", a-t-il dit.
A.Navarro--ESF