Tension au Suriname avant le verdict du procès de l'ex-président
Le Suriname retient son souffle: la justice rend mercredi son verdict dans le procès en appel de l'ex-président Desi Bouterse, jugé pour l'assassinat de 15 opposants en 1982, qui mettra fin à un feuilleton judiciaire de 16 années mais pourrait générer des troubles.
L'audience a commencé à 9h00 (12h00 GMT) sans la présence de M. Bouterse, a constaté une journaliste de l'AFP.
Mercredi matin, les autorités avaient déployé un important dispositif policier dans le centre de Paramaribo près du tribunal. Il y avait peu ou pas de partisans de l'ancien président près du tribunal.
Les abords du tribunal ont été interdits au public pour éviter des regroupements et les écoles du secteur ont été fermées.
Certains craignent des troubles alors que des manifestations contre la vie chère ont dégénéré en émeutes en février.
"Avant une décision cruciale pour la nation, le gouvernement a annoncé que tout serait mis en œuvre pour maintenir le calme, l'ordre et la sécurité", dans un communiqué publié dans la nuit.
"Pour assurer la sécurité, la police sera présente (...) Le gouvernement comprend l'impact émotionnel de cette affaire et appelle à l'unité, à la responsabilité et au respect de l'État de droit. La société est invitée à aborder le verdict avec calme, pour la paix et la tranquillité", conclut le communiqué.
Desi Bouterse, 78 ans, avait été condamné, en première instance en 2019, à 20 ans de prison pour l'exécution par balles de 15 personnes -avocats, journalistes, hommes d'affaires, militaires- en décembre 1982, deux ans après avoir pris le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat.
"Il s'agit du procès le plus important de l'histoire du Suriname", a déclaré Reed Brody, de la Commission internationale de juristes.
"Le fait qu'une décision finale soit rendue, après tant de retards et de détours, est un hommage au courage et à l'indépendance des juges surinamais, à la persévérance des familles des victimes et à la résilience de l'État de droit", a-t-il ajouté.
La procédure a commencé en 2007.
L'avocate générale du Suriname a de nouveau requis 20 ans de prison contre M. Bouterse. Son avocat a plaidé l'acquittement. M. Bouterse avait comparu libre lors du procès en appel entamé en juillet 2022.
En cas de condamnation, M. Bouterse aura épuisé tous les recours judiciaires mais il lui restera la possibilité de solliciter une grâce.
En juillet, l'ancien président, très populaire notamment dans les classes les plus pauvres, avait déclaré: "Quel qu'il soit (le verdict), je suis prêt. Parce que je suis convaincu que l'autre juge (Dieu) m'acquittera à 100 %".
Samedi, des milliers de ses partisans se sont rassemblés au siège de son parti pour lui exprimer leur soutien avec le slogan "Free Bouta" ("Libérez Bouta"), son surnom.
- Cela peut "déraper" -
"Boss Bouterse, vous n'irez nulle part. S'ils le veulent, ils peuvent venir vous arrêter chez vous. J'aimerais bien voir cela arriver", lui a lancé un des ses partisans.
Dans son discours samedi, M. Bouterse a lui appelé au calme: "Ne semons pas la pagaille, nous sommes des gens civilisés. Nous allons tenir jusqu'aux élections de 2025".
Mais, il a toutefois souligné que "les choses peuvent déraper ici", allusion à de possibles troubles que pourraient provoquer son incarcération.
M. Bouterse a également mis en garde les juges: "j'espère que la juge fera preuve de bon sens" et que sa décision n'aura pas "de conséquences pour le pays".
Les proches des victimes eux espèrent une condamnation. "Puisse ce moment du jugement marquer non seulement la fin d'une procédure judiciaire, mais aussi le début d'une nouvelle phase de notre histoire", avait déclaré Sunil Oemrawsingh, président de la Fondation 8 décembre 1982, lors de la cérémonie anniversaire.
Auteur de deux coups d'Etat, Desi Bouterse, ancien homme fort de l'armée, a été élu président du Suriname en 2010 et l'est resté jusqu'en 2020.
Après sa condamnation à 11 ans de prison en 1999, Interpol avait émis un mandat d'arrêt contre lui aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne. Son statut de dirigeant l'a protégé de l'extradition.
M.E. De La Fuente--ESF