Etat de droit: Varsovie donne des gages à l'UE pour tourner la page
Le gouvernement polonais présente mardi à Bruxelles un plan d'action pour mettre un terme à une procédure européenne lancée contre Varsovie en réaction aux réformes controversées du système judiciaire du précédent pouvoir nationaliste.
Cette feuille de route sera soumise par le ministre polonais de la Justice, Adam Bodnar, aux ministres des Affaires européennes de l'UE réunis à Bruxelles et au commissaire européen à la Justice, Didier Reynders.
Les réformes judiciaires entreprises par les conservateurs nationalistes du parti Droit et Justice (PiS), accusées d'avoir sapé l'indépendance des juges, ont par ailleurs poussé Bruxelles à bloquer plusieurs dizaines de milliards d'euros de fonds destinés à la Pologne dans le cadre du plan de relance post-Covid.
Après des années de bras de fer entre Bruxelles et le précédent pouvoir, la Commission a salué en janvier les efforts du nouveau gouvernement pro-européen de Donald Tusk pour restaurer l'Etat de droit, estimant que cela pourrait mener à un déblocage de ces sommes.
"C'est le plan d'action pour lequel les citoyens ont voté lors des élections d'octobre, qu'ils ont aussi réclamé depuis des années en exigeant l'indépendance de la justice", a déclaré Adam Bodnar à son arrivée à Bruxelles.
"Je ferai de mon mieux pour convaincre que nous sommes sur la bonne voie", a-t-il martelé.
- "Le changement est réel" -
L'exécutif européen salue le changement de ton. "L'engagement est clair. Ils ont décidé de rejoindre le Parquet européen (...) il y a ce plan pour les hautes fonctions judiciaires, le changement est réel", s'est félicité Didier Reynders.
"La Pologne est en train de passer du statut d'enfant à problèmes en matière d'Etat de droit à celui de champion de la démocratie", a abondé la ministre allemande Anna Luehrmann.
La Commission européenne avait activé en décembre 2017 contre la Pologne l'article 7 du Traité de l'UE, prévu en cas de menaces sur l'Etat de droit et souvent qualifié d'"arme nucléaire".
Cette procédure - qui a depuis été enclenchée également contre la Hongrie en septembre 2018 cette fois à l'initiative du Parlement européen - peut en théorie aller jusqu'à une suspension des droits de vote d'un Etat au Conseil de l'UE.
Elle est prévue comme dernier recours face à un pays commettant "une violation grave et persistante" des valeurs de l'UE. Dans le cas de la Pologne, la Commission avait estimé que des réformes du pays avaient mis l'appareil judiciaire sous le contrôle politique de la majorité au pouvoir.
En pratique, cette procédure Article 7 n'a donné lieu qu'à des discussions au sein du Conseil, sans passer à l'étape ultérieure menant à des sanctions.
-"Etapes réalistes"-
Le plan de Varsovie prévoit "un ensemble de lois (...) concernant les statuts du Conseil national de la magistrature, du Tribunal constitutionnel, de la Cour suprême, le statut des tribunaux de droit commun, la séparation des fonctions du ministre de la Justice et du parquet général", a énuméré Adam Bodnar.
"J'ai l'intention de convaincre que si nous faisons tout cela, la Pologne ne devrait pas être concernée par l'article 7", a-il insisté. Il espère une sortie de cette procédure de sanctions d'ici les élections européennes du 6 au 9 juin.
"Il faudra voir que ce que les autres Etats membres pensent (du plan polonais). Il n'y a pas de calendrier préétabli, mais je rêve de pouvoir y parvenir durant mon mandat", a souligné mardi la vice-présidente de la Commission européenne, chargée des valeurs et de la transparence, Vera Jourova.
Et de rappeler que Bruxelles attend "des étapes réalistes", alors que la signature du président conservateur polonais serait requise pour entériner de nouvelles législations.
Ces propositions "ne bénéficient pas du soutien de tous les acteurs en Pologne et des blocages sont à prévoir", s'est aussi inquiétée Anna Luehrmann.
Les fonds européens destinés à la Pologne dans le cadre du plan de relance s'élèvent à près de 60 milliards d'euros (34,5 milliards de prêts et 25,3 milliards de subventions).
L'UE a toutefois autorisé en novembre le versement d'une avance de 5,1 milliards d'euros à ce pays. Cette somme n'était soumise à aucune condition, contrairement au reste des fonds qui restent gelés en attendant des réformes répondant aux inquiétudes de Bruxelles.
M.Aguado--ESF