Etat d'urgence à Port-au-Prince "paralysée" par les attaques de gangs
Les écoles et les banques sont fermées tandis que la vie tourne au ralenti lundi à Port-au-Prince, la capitale haïtienne où le gouvernement a déclaré l'état d'urgence après l'évasion de milliers de détenus de prisons attaquées par des gangs.
Depuis jeudi, des gangs armés, qui ont pris le contrôle de pans entiers du pays, y compris de la capitale, s'en prennent à des sites stratégiques, disant vouloir renverser le Premier ministre contesté Ariel Henry. Au pouvoir depuis 2021, ce dernier aurait dû quitter ses fonctions début février.
"Les institutions comme les écoles, les banques, sont fermées. Des gens sont dans la rue pour se ravitailler en eau, en gaz etc...", a rapporté un journaliste de l'AFP sur place. Mais les activités habituelles sont "au ralenti".
Les transport publics et les vendeurs de rue sont moins nombreux que d'habitude et peu de policiers ont été déployés, selon un autre correspondant de l'AFP.
"Ce matin, la ville est paralysée", a déclaré à l'AFP Carlotta Pianigiani, de l'ONG africaine d'aide médicale Alima, présente sur place.
Le gouvernement haïtien, dépassé par la violence des gangs, a décrété dimanche l'état d'urgence dans la région de Port-au-Prince "pour une période de 72 heures renouvelable" ainsi qu'"un couvre-feu" entre 18H00 et 05H00 locales lundi, mardi et mercredi.
Pays pauvre des Caraïbes, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire, depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, avec un processus politique complètement dans l'impasse.
- "Déchaînements criminels" -
Le secrétaire général de l'ONU s'est dit lundi "très inquiet de la rapide détérioration de la situation sécuritaire" à Port-au-Prince. Antonio Guterres a appelé le gouvernement et ses partenaires internationaux à "faire avancer un processus politique (...) via la tenue d'élections", selon son porte-parole Stéphane Dujarric.
Les violences de la semaine dernière ont pris une nouvelle dimension durant le weekend lorsque des gangs armés ont pris d'assaut deux prisons de la capitale.
Au moins une dizaine de personnes sont mortes durant l'évasion de plusieurs milliers de détenus du Pénitencier national de Port-au-Prince, selon un journaliste de l'AFP.
Le gouvernement a dénoncé les "déchaînements de criminels lourdement armés voulant à tout prix libérer des personnes gardées", faisant "plusieurs blessés parmi les prisonniers et le personnel de l'administration pénitentiaire".
Quatre policiers sont morts et cinq autres ont été blessés dans des échanges de tirs jeudi à Port-au-Prince.
Plusieurs compagnies aériennes locales et internationales avaient suspendu leur vols jeudi avant de les reprendre progressivement. Ils ont été de nouveau annulés lundi.
- "Encore plus dans le chaos" -
Selon l'ONU et des ONG, le début d'année a été particulièrement tendu, les dernières violences ajoutant de nouveaux déplacés à la liste des environ 200.000 déjà recensés il y a quelques mois par les Nations unies.
Ces déplacés, dont nombreux enfants et femmes, certaines enceintes, occupent "de manière informelle" des écoles, des terrains de football, des gymnases ou encore des bâtiments publics, a énuméré Carlotta Pianigiani.
"Ils dorment à même le sol, dans des abris de fortune faits de bâches en plastique" et sans accès à "toute une série de services de base", tels que soins, latrines hygiéniques ou eau potable.
"Cette semaine, le plus grand hôpital public du pays a suspendu ses activités", a également expliqué Carlotta Pianigiani, déplorant que son ONG ait dû elle aussi réduire ses interventions en raison des violences.
Selon l'ONU, plus de 8.400 personnes ont été victimes l'année dernière de la violence des gangs, incluant morts, blessés et enlèvements, "soit une augmentation de 122% par rapport à 2022".
L'ONU et les Etats-Unis soutiennent le déploiement d'une mission internationale en Haïti qui doit être dirigée par le Kenya. Ariel Henry était à Nairobi la semaine dernière où il a signé un accord pour l'envoi de policiers kényans en Haïti.
Pourtant, le déploiement de la mission a été bloqué par la justice kényane fin janvier. Lundi, l'ONU lui a réitéré son soutien afin d'"empêcher le pays de plonger encore plus dans le chaos".
G.Alamilla--ESF