La Suisse gagne un concours de l'Eurovision agité par les tensions autour d'Israël
Nemo a remporté dimanche pour la Suisse l'Eurovision avec "The Code", premier artiste non binaire a être sacré dans la compétition, à l'issue d'une édition 2024 marquée par les controverses, notamment sur la participation d'Israël, en pleine guerre dans la bande de Gaza.
"J'espère que cette compétition pourra continuer à encourager la paix et la dignité pour chacun", a déclaré, en recevant son trophée, l'artiste de 24 ans, les yeux embués de larmes.
"Toute cette expérience a été très intense et pas seulement agréable du début à la fin. Il y a eu beaucoup de choses qui ne semblaient pas relever de l'amour et de l'unité, et cela m'a vraiment attristé", a-t-il confié lors d'une conférence de presse à l'issue de la compétition.
Avec sa veste à plumes roses et rouges et sa jupe satinée rose, Nemo a obtenu les faveurs des jurys avec 365 points, mais aussi séduit le public qui lui en a rapporté 226, lui permettant avec 591 points de dépasser le favori croate, Baby Lasagna et ses 547 points. L'Ukraine a terminé troisième (453 points) et la France quatrième (445 points).
- "Le poids de la politique" -
"+The Code+ raconte le voyage que j'ai commencé en réalisant que je ne suis ni un homme ni une femme", avait auparavant raconté Nemo, qui donne au petit pays alpin, chantre de la neutralité politique sa troisième couronne dans un concours qui se veut apolitique. C'est la première victoire de la Suisse depuis "Ne partez pas sans moi" interprétée par Céline Dion en 1988.
"Peut-être que l'Eurovision a besoin d'être un peu réparé", a dit Nemo lors de la conférence de presse. "J'ai été obligé de passer en douce mon drapeau" non-binaire, que l'artiste a brandi lors de la parade de l'ouverture de la compétition, plébiscitée dans la communautée LGBTQ+.
L'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le concours, interdit tout drapeau autre que ceux des participants, comme toute bannière à message politique.
En Croatie, arrivée deuxième de la compétition avec Marko Purisic, connu sous son nom de scène Baby Lasagna, plusieurs centaines de personnes ont suivi le spectacle sur un grand écran sur la Place de l'Europe, dans le centre de Zagreb.
"Il n'y a pas de place à la tristesse, juste la fierté. Ce jeune homme a rassemblé toute la Croatie. Nous pouvons être fiers de lui et il mérite d'être accueilli à son retour dans le pays. Cependant, il s'est avéré que le poids de la politique a été encore une fois déterminant dans ce concours de l'Eurovision", a déclaré à l’AFP une spectatrice, Nina Plese, 34 ans.
L'Israélienne Eden Golan, dont la présence à Malmö a généré une vive controverse alors que son pays est en guerre contre le Hamas à Gaza, est arrivée en ciquième position avec 323 points pour sa chanson "Hurricane".
"Chaque fois qu'Israël obtenait des points, il y a eu des huées partout", a rapporté en quittant la salle Michael Kerwick, un fan irlandais.
- Manifestants dispersés -
Au début de la compétition, à l'extérieur, les policiers, présents en nombre, ont dispersé une centaine de manifestants propalestiniens dont Greta Thunberg, plus connue pour ses prises de positions sur le climat mais qui a récemment multiplié les messages sur la question.
Pour assurer la sécurité de l'événement - et des 100.000 fans de 90 pays - la police de Malmö a mobilisé des renforts de tout le pays scandinave mais aussi du Danemark et de Norvège.
Dans les rues de la troisième ville de Suède où vit la majorité de la population suédoise d'origine palestinienne, plus de 5.000 personnes, selon la police, ont défilé dans le calme pour protester contre la participation d'Israël.
"Nous ne sommes pas contre l'Eurovision, mais contre la participation d'Israël à l'Eurovision. Nous ne voulons pas de sa représentante à Malmö (...) à cause de ce qui se passe à Gaza", a résumé Ingemar Gustavsson, un retraité suédois.
- Appels au boycott -
Eden Golan, 20 ans, avait décroché jeudi soir son ticket pour la finale avec la chanson "Hurricane", dont la version initiale avait dû être modifiée car considérée comme faisant allusion à l'attaque du Hamas qui a ensanglanté Israël le 7 octobre.
Israël participe depuis 1973 à l'Eurovision, qu'il a remporté pour la quatrième fois en 2018.
Cette année, le conflit en Ukraine a été éclipsé par la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque du mouvement islamiste palestinien, qui a fait plus de 1.170 morts, des civils pour la plupart, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive à Gaza, qui a fait jusqu'à présent 34.943 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
S.Delgado--ESF