Julian Assange suspendu à une nouvelle décision de justice sur son extradition
Nouveau sursis ou fin de partie pour Julian Assange devant les tribunaux britanniques ? A l'issue d'une audience lundi, deux juges décideront s'ils accordent au fondateur de WikiLeaks un nouveau recours contre son extradition vers les Etats-Unis qui veulent le juger pour une fuite massive de documents.
Si la demande de l'Australien de 52 ans échoue, il risque d'être rapidement extradé, après cinq ans d'un combat judiciaire érigé en symbole du combat pour la liberté d'informer par ses soutiens.
Son seul espoir serait alors de saisir à temps la Cour européenne des droits de l'Homme pour faire suspendre son extradition.
Julian Assange, dont la santé s'est considérablement affaiblie en prison selon ses proches, "espère" être présent au tribunal pour cette audience cruciale, a indiqué la semaine dernière son épouse Stella Assange.
Poursuivi pour avoir rendu publics à partir de 2010 plus de 700.000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan, le fondateur de WikiLeaks encourt aux Etats-Unis jusqu'à 175 ans de prison.
Parmi ces documents figure une vidéo montrant des civils, dont deux journalistes de l'agence Reuters, tués par les tirs d'un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.
Après de multiples rebondissements judiciaires, fin mars, deux juges de la Haute Cour de Londres, Victoria Sharp et Jeremy Johnson, avaient demandé aux Etats-unis de nouvelles garanties quant au traitement qui serait réservé dans ce pays à Julian Assange, avant de se prononcer sur la demande du fondateur de WikiLeaks d'obtenir un nouvel appel contre son extradition.
Lundi, ils examineront la réponse des autorités américaines et décideront de lui accorder ou non un nouvel appel. Ils peuvent aussi repousser leur décision à une date ultérieure.
- Premier amendement? -
Les juges veulent s'assurer que Julian Assange n'encourra pas la peine de mort et qu'il pourra bénéficier, en cas d'extradition, de la protection du premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d'expression.
La réponse américaine n'a pas été rendue publique, mais selon les proches de l'Australien, les autorités ont assuré qu'il pourrait chercher à faire valoir le premier amendement, sans s'engager formellement à ce que cela lui soit accordé.
Mercredi dernier, les soutiens d'Assange ont mis en cause la sincérité de la procédure, le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson l'accusant d'être "corrompue" et "truquée".
Julian Assange avait été arrêté par la police britannique en avril 2019 après sept ans passés dans l'ambassade d'Equateur à Londres, afin d'éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année.
Depuis, les appels se sont multipliés pour que le président américain Joe Biden abandonne les charges retenues contre lui, en vertu d'une loi de 1917 sur l'espionnage, utilisée par l'administration Trump pour lancer les poursuites.
L'Australie a fait une demande officielle en ce sens début 2024, que le président américain a dit examiner, suscitant l'espoir chez ses soutiens.
- Poursuites "politiques" -
En janvier 2021, la justice britannique avait d'abord tranché en faveur du fondateur de WikiLeaks, invoquant un risque de suicide s'il était extradé. Mais cette décision a ensuite été infirmée.
Lors des dernières journées d'audience en février, Julian Assange était absent pour raison de santé. Ses avocats ont plaidé qu'une extradition mettrait sa santé et même sa vie en danger, et que les poursuites contre lui étaient "politiques".
L'avocate Clair Dobbin, qui représente le gouvernement américain, a de son côté fait valoir que M. Assange avait "publié sans discernement et en connaissance de cause les noms d'individus qui ont servi de sources d'information pour les Etats-Unis".
La semaine dernière, le Conseil de l'Europe a exprimé sa "vive préoccupation concernant le bien-être" de Julian Assange en prison, après une visite de la rapporteuse de l'Assemblée parlementaire du Conseil (APCE) dans la prison de Belmarsh où il est détenu.
Sunna Aevarsdottir a estimé que les poursuites engagées contre lui risquaient "déjà de dissuader d'autres lanceurs d'alerte et journalistes de dénoncer les diverses transgressions commises par des gouvernements ou des acteurs privés puissants".
K.Baro--ESF