Prières pour le colistier de Trump dans un village en Inde
Chaque jour, dans le temple d'un village du sud-est de l'Inde, le prêtre hindou Subhramanya Sharma s'incline devant une idole de Sai Baba, un gourou du XIXe siècle vénéré comme une divinité par ses fidèles et prie pour que J.D. Vance, le colistier de Donald Trump, devienne vice-président des Etats-Unis.
Vadluru, situé au bord d'un canal dans la campagne verdoyante de l'Andhra Pradesh, est le village natal des ancêtres d'Usha Vance qui pourrait devenir la deuxième dame des Etats-Unis, si l'ancien président républicain remportait le scrutin de novembre.
"Nous la bénissons", a déclaré le prêtre, dont le temple se trouve dans un bâtiment ayant appartenu aux ancêtres de Mme Vance, la famille Chilukuri.
"Nous, les prêtres, adressons des prières spéciales pour Usha et son époux".
L'arrière-grand-père de cette avocate de 38 ans a vécu dans le village de Vadluru où la famille est toujours très respectée notamment pour compter des universitaires et de fins connaisseurs des écritures hindoues.
Son père, Chilukuri Radhakrishnan, titulaire d'un doctorat, a grandi à Chennai (Madras) avant de poursuivre ses études aux Etats-Unis. Il est ensuite retourné en Inde avant de repartir s'installer à San Diego, où elle a été élevée.
C'est à la faculté de droit de Yale qu'elle a rencontré J.D. Vance. Ils se sont mariés en 2014 et ont eu trois enfants.
- "Très heureux et fiers" –
Usha Vance n'a jamais visité le village de ses ancêtres, mais son père s'y est rendu pour la dernière fois il y a trois ans afin notamment de vérifier l'état du temple, se souvient le prêtre.
On sait peu de choses sur les premières années de Chilukuri Radhakrishnan aux Etats-Unis où il aurait débarqué avec "rien", selon le film "Hillbilly Elegy", qui évoque l'enfance au sein de la classe ouvrière blanche de J.D. Vance.
Dans ce long-métrage diffusé sur Netflix, qui l'a propulsée sur la scène médiatique, le personnage d'Usha, interprété par l'actrice indienne Freida Pinto, affirme que son père "a dû trouver sa voie".
L'épouse de J.D. Vance, hindoue pratiquante, a récemment déclaré dans une récente interview à Fox News que la foi avait fait de sa mère et de son père de "bons parents" et de "très bonnes personnes".
Dans le village de Vadluru, "Jai Sri Ram" (Victoire au Seigneur Ram) a été peint en rouge sur les façades des maisons. Les villageois suivent désormais la campagne électorale du couple sur Youtube et Facebook, raconte un habitant, Venkata Ramanayya, 70 ans.
"Nous sommes très heureux et fiers", explique-t-il.
- "Ils doivent revenir" -
Des millions d'Indiens ont fait le même voyage que les Chilukuris et, selon le dernier recensement américain, les Indiens sont désormais la deuxième ethnie asiatique des Etats-Unis.
Entre 2010 et 2020, leur nombre a augmenté de 50% pour atteindre 4,8 millions de personnes.
Le grand-père de Kamala Harris, adversaire démocrate probable de Donald Trump aux élections de novembre, a également des origines indiennes. Il est né à Thulasendrapuram, un village entouré de rizières au fin fond de l'Etat méridional du Tamil Nadu.
PV Gopalan a quitté le village il y a des décennies, mais les habitants assurent que la famille a gardé des liens étroits et a régulièrement fait des dons pour l'entretien du temple.
A environ 600 kilomètres de Vadluru, l'arrière-grand-tante d'Usha, Chilukuri Santhamma, le dos courbé sur une pile de documents, exhorte la potentielle future deuxième dame des Etats-Unis, à ne pas inciter les Indiens à suivre les pas de sa famille.
Egalement universitaire, elle est considérée par les médias locaux, à 96 ans, comme la plus ancienne professeure en activité du pays.
Elle doit son lien de parenté avec Usha à son mari, lui-même universitaire, qui était associé au Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un mouvement ultranationaliste hindou aux méthodes paramilitaires, dont a été membre le Premier ministre Narendra Modi.
Pour Mme Santhamma, Usha Vance devrait mettre à profit sa position et ses connaissances juridiques pour mettre fin à la "fuite" des Indiens vers les Etats-Unis.
"Ils peuvent faire des études, suivre une formation, tout cela est possible, mais il y a une limite. Ils doivent rester là-bas pendant une période connue et revenir" et "faire ce qu'ils veulent".
Elle a cependant une pensée pour elle, estimant qu'Usha a une vie difficile, bien qu'elle soit mariée à une "personnalité".
"Devenir l'épouse d'une personnalité est une chance", selon cette universitaire mais elle "a fait de la politique son sujet ". "C'est très difficile".
E.Campana--ESF