Meurtre de Philippine: Retailleau promet une évolution de "l'arsenal juridique"
Bruno Retailleau a promis mercredi une évolution de "l'arsenal juridique" après l'arrestation en Suisse du suspect du meurtre de la jeune étudiante Philippine, un Marocain dont l'obligation de quitter le territoire a suscité maintes réactions, en particulier à l'extrême droite.
Ce "crime est abominable", écrit le nouveau ministre de l'Intérieur dans un communiqué. Plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, ont mis en cause mardi "la chaîne pénale et administrative".
"C'est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français", ajoute-t-il, après l'interpellation d'un Marocain condamné par le passé pour viol et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire (OQTF).
"S'il faut changer les règles, changeons-les", poursuit M. Retailleau, qui appelle à "travailler" "ensemble, avec le ministre de la Justice, dans le périmètre de nos responsabilités respectives, et sous l'autorité du Premier ministre (...) pour assurer la sécurité de nos compatriotes".
Tenant d'une droite dure, désireux de "rétablir l'ordre", l'élu vendéen a d'emblée entamé un bras de fer avec le garde des Sceaux, Didier Migaud, ancienne figure du PS, au sujet d'un supposé laxisme de la justice.
Le corps de Philippine, une étudiante de 19 ans à l'université de Paris-Dauphine, a été retrouvé enterré dans le bois de Boulogne, dans l'ouest parisien, lors d'une battue samedi après-midi.
C'est sa famille qui avait signalé sa disparition. L'étudiante avait été vue pour la dernière fois vendredi à l'heure du déjeuner, à l'université située tout près du bois.
Le ressortissant marocain a été arrêté mardi dans le canton de Genève, en Suisse, "en vertu d'une mesure relevant du droit des étrangers et a ensuite été identifié comme suspecté d'un meurtre commis à Paris", a déclaré à l'AFP la porte-parole du ministère suisse de la Justice.
"L'Office fédéral de la justice (OFJ) a alors ordonné la détention aux fins d'extradition sur la base d'une demande d'arrestation émanant de la France", qui a maintenant 18 jours pour déposer une demande formelle, a-t-elle ajouté.
Agé de 22 ans et en situation irrégulière, le suspect avait été condamné en 2021 pour un viol commis en 2019 et avait été "libéré, en fin de peine, au mois de juin 2024", selon le parquet de Paris.
- Inscrit au fichier des personnes recherchées -
Il n'a pas bénéficié de libération conditionnelle, selon une source judiciaire française, il est sorti à la fin de sa peine, en bénéficiant de réductions automatiques que la loi permettait encore à l'époque de sa condamnation.
Il était sorti de détention le 20 juin et avait été placé en centre de rétention administrative (CRA) à Metz, selon une source proche du dossier.
Le 3 septembre, un juge des libertés et de la détention avait validé sa sortie du centre de rétention. Une mesure assortie d'une obligation de pointer. Le 4 septembre, le Maroc avait fait "parvenir l'autorisation d'expulsion" aux autorités françaises, selon cette même source. Mais le suspect était déjà dehors.
La veille du meurtre, le 19 septembre, il avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu'il ne respectait pas son obligation de pointer, toujours selon cette source.
L'extrême droite est immédiatement montée au créneau, mais aussi des personnalités de gauche.
"La vie de Philippine lui a été volée par un migrant marocain sous le coup d'une OQTF", a ainsi réagi sur X le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. "Il est temps que ce gouvernement agisse: nos compatriotes sont en colère et ne vont pas se payer de mots".
"C'est le problème des OQTF (mesures d'éloignement du territoire, NDLR), il faut que ça aille vite", a de son côté souligné François Hollande qui a mis en cause sur franceinfo la "chaîne pénale et administrative".
La député écologiste Sandrine Rousseau a estimé pour sa part que ce "féminicide" méritait "d'être jugé et puni sévèrement", tout en ajoutant que l'extrême droite allait "tenter d'en profiter pour répandre sa haine raciste et xénophobe".
Le taux d'exécution des mesures d'éloignement (OQTF) de la France est le plus bas de l'Union Européenne: autour de 7% contre près de 30% au niveau de l'UE.
"Trop d'OQTF sont prises par les autorités: on observe une multiplication des mesures d'éloignement à l'encontre de personnes dont on sait dès le départ qu'elles ne peuvent pas faire l'objet d'un retour vers un pays d'origine ou de transit", selon Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l'université Lyon III.
A.Fernández--ESF