Le procès "Carton rouge" s'attaque à l'arnaque des clubs de foot
Plusieurs prévenus ont exprimé leur honte ou leurs regrets mardi à Nancy au procès "Carton Rouge", consacré en cette deuxième journée à la retentissante escroquerie par téléphone visant des clubs de foot.
Quelque 63.000 euros de préjudice, sur les 28 millions siphonnés dans le cadre de cette arnaque, concernent des clubs de football qui évoluaient alors en Ligue 1 et 2.
Les clubs de Sochaux, Angers et Toulouse ont tous trois versé aux escrocs entre 10.000 et 35.000 euros, dupés par des appels malveillants d'hommes qui se faisaient passer pour des proches ou agents de joueurs, entre août et octobre 2017.
Systématiquement, les escrocs indiquaient que le joueur avait changé de coordonnées bancaires, et le faux agent s'occupait d'envoyer un RIB pour le versement des salaires.
Sochaux a ainsi versé plus de 17.000 euros, somme qui a immédiatement été transférée vers des comptes en Bulgarie ou à Malte.
Angers a payé 35.000 euros et Toulouse 10.000, après avoir reçu l'appel d'un malfrat se faisant passer pour le père d'une nouvelle recrue.
- "Vigilance des victimes" -
Les plaintes des clubs, qui se sont rapidement rendu compte de l'arnaque, ont déclenché l'enquête.
Pour ces clubs, l'escroquerie n'est pas allée à son terme en raison de la "vigilance des victimes" a rappelé Stanislas Massonie, le président du tribunal.
Dans la plupart des cas, les clubs se sont rendu compte de la supercherie en vérifiant auprès du joueur.
C'est la découverte des escroqueries à l'encontre des clubs de football qui a lancé l'enquête et permis de remonter à une fraude bien plus large sur internet, ayant fait plus de 1.300 victimes pour un préjudice de 28 millions d'euros. Des centaines de particuliers ont été bernés, croyant investir dans des crypto-monnaies ou des diamants.
Si 22 personnes sont poursuivies par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Nancy pour l'ensemble des escroqueries, six d'entre elles le sont aussi dans le cadre des escroqueries au préjudice des clubs de foot.
- "Têtes pensantes" en fuite -
Emmanuel F., 45 ans, a reconnu à la barre avoir appelé, depuis un centre d'appel situé en Israël, les clubs de football sous une fausse identité, pendant une période d'environ un an, à la demande de celui qu'il désigne comme le chef de l'organisation, Mickaël I., en fuite.
"Il y a sept ans, j'avais des problèmes d'argent, j'étais addict au jeu", a-t-il déclaré au tribunal, disant sa "honte" d'avoir participé à l'escroquerie.
Il a expliqué qu'en Israël "il y a des publicités partout pour travailler dans des call centers", où vont "beaucoup de pères de famille" qui croient faire un travail légal "mais qui sont en fait dans un bourbier dont ils ne peuvent plus se sortir".
"Avant moi, il y avait des escroqueries. Après moi, il y aura des escroqueries. Ca ne s'arrêtera pas, les têtes pensantes sont là-bas", a-t-il insisté, disant que "ce sont eux qui gagnent le plus d'argent, qui vivent impunément" et disposent de bureaux avec "pignon sur rue" pour passer des appels vers la France et berner particuliers comme sociétés.
Youval T., accusé par certains prévenus d'être l'une des têtes pensantes de l'organisation, a lui envoyé un courriel à la juridiction, niant les faits qui lui sont reprochés et accusant un autre prévenu d'avoir usurpé son identité, notamment pour ouvrir des comptes bancaire.
Le procès, qui doit durer quatre semaines, se déroulera Centre des congrès de Nancy, afin de pouvoir accueillir les plus de 850 parties civiles.
S.Martinez--ESF