Droits de l'homme: l'ONU entame sa visite au Xinjiang
La cheffe de l'ONU pour les droits de l'Homme, Michelle Bachelet, entame mardi une visite extrêmement attendue dans la région chinoise du Xinjiang, où Pékin est accusé de mener une répression féroce contre les musulmans ouïghours.
Ce déplacement se déroule quasiment à huis clos, la délégation onusienne étant tenue d'intégrer, au nom de la situation épidémique en Chine, une bulle sanitaire qui la tient à l'écart de la presse étrangère.
Aucun détail sur les lieux précis que visitera Michelle Bachelet n'a été rendu public, ce qui soulève des interrogations sur la latitude réelle dont elle disposera sur le terrain.
Des Ouïghours de la diaspora et des associations de défense des droits de l'Homme exhortent l'ex-présidente chilienne de 70 ans à ne pas se laisser entraîner dans une opération de propagande du régime communiste.
Le Xinjiang (nord-ouest), longtemps frappé par des attentats attribués à des séparatistes et des islamistes ouïghours, fait l'objet depuis quelques années d'une répression menée au nom de l'antiterrorisme.
Des études occidentales accusent la Chine d'y avoir interné au moins un million de Ouïghours et de membres d'autres minorités musulmanes dans des camps de rééducation, voire d'imposer du "travail forcé" et des "stérilisations forcées".
Washington accuse Pékin de commettre un "génocide". La Chine dénonce le "mensonge du siècle" et présente les camps comme des "centres de formation professionnelle", destinés à combattre l'extrémisme religieux.
Pékin dit par ailleurs n'imposer aucune stérilisation, mais uniquement appliquer la politique de limitation des naissances à l'oeuvre dans l'ensemble du pays, auparavant peu mise en pratique dans la région.
- "Pas beaucoup d'espoir" -
Présente mardi et mercredi au Xinjiang, peuplé de 26 millions d'habitants dont près de la moitié de Ouïghours, Michelle Bachelet se rendra notamment dans la capitale régionale Urumqi.
Des émeutes inter-ethniques en 2009 y avaient fait près de 200 morts, en grande majorité des Hans (Chinois de souche) battus ou poignardés par des Ouïghours.
Mme Bachelet ira également à Kashgar, dans le sud du Xinjiang, où la population ouïghoure est très importante et où la campagne sécuritaire est réputée être particulièrement féroce.
"J'espère qu'elle pourra demander au gouvernement chinois où se trouve ma mère", déclare à l'AFP Jevlan Shirememet, un Ouïghour de 31 ans qui réside en Turquie et dit n'avoir pas de nouvelles d'elle depuis quatre ans.
Nursimangul Abdureshid, une Ouïghoure également installée en Turquie, dit n'avoir "pas beaucoup d'espoir" que la visite de Mme Bachelet "puisse apporter un quelconque changement".
"Il faut qu'ils rendent visite à des victimes, comme les membres de ma famille, pas qu'ils participent à des mises en scènes préparées à l'avance" par Pékin, déclare-t-elle à l'AFP.
Son frère a été condamné à près de 16 ans de prison, notamment pour "préparation (d'actes) violents et terroristes", a-t-elle découvert récemment dans une base de données réputée provenir d'une fuite des archives de la police.
"Si l'équipe de l'ONU n'a pas d'accès illimité au Xinjiang, je n'accepterai pas leurs prétendus rapports", déclare Nursimangul Abdureshid.
- "Clarifier la désinformation" -
Or, la Chine a déjà affiché clairement ses objectifs.
Lors d'un tête-à-tête lundi avec Michelle Bachelet à Canton (sud), le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a émis l'espoir que son séjour aiderait "à clarifier la désinformation" sur son pays, selon son ministère.
"Nous espérons que cette visite vous permettra d'aller au fond des choses, de parler des faits et de la réalité, afin de faire taire rumeurs et mensonges", a souligné M. Wang.
Michelle Bachelet est la première responsable onusienne des droits de l'Homme à se rendre en Chine depuis 2005, après des années de négociations avec Pékin sur les termes de sa visite au Xinjiang.
Lors d'une visioconférence lundi avec des représentants d'ambassades étrangères, elle a assuré qu'elle se rendrait dans des centres de détention et s'entretiendrait avec des militants des droits de l'Homme, selon des sources diplomatiques.
V.Duran--ESF