Protection de l'enfance: la Défenseure des droits interpelle l'Etat après de "lourdes défaillances"
Accroître le soutien financier aux départements, recruter davantage d'assistants sociaux en milieu scolaire, renforcer les moyens de la justice: la Défenseure des droits interpelle l’État, dans une décision publiée mercredi, et le presse d'agir face aux "lourdes défaillances" observées dans la protection de l'enfance.
Dirigée par Claire Hédon, l'autorité indépendante, dont l'une des prérogatives est de veiller au respect des droits des enfants, demande au gouvernement de "rendre compte des suites données" à ses recommandations dans un "délai de quatre mois".
Dans sa "décision-cadre" de plus de 60 pages, la Défenseure des droits fait le constat qu'en dépit de nombreuses interpellations, la situation de la protection de l'enfance "se dégrade, de manière plus marquée ces dernières années."
"En 2022, pour la première fois, des magistrats, juges des enfants, ont attiré (notre) attention sur la situation de la protection de l’enfance dans leur département, faisant état de lourdes défaillances du dispositif, avec un impact très défavorable sur la situation des enfants", ajoute-t-elle.
Au total, l'organisation émet, dans cette décision publiée un an après la mort de Lily - une jeune adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel où elle avait été placée par l'aide sociale à l'enfance - plus d'une trentaine de recommandations.
Concernant le financement de la protection de l'enfance, secteur géré par les départements depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983, la Défenseure des droits recommande à l’État "de compenser les charges induites par les obligations nouvelles pesant sur les départements, et d’augmenter significativement la partie de son budget consacrée aux solidarités".
Elle appelle parallèlement à "donner à la justice les moyens d’assumer son rôle" dans la protection des enfants. Faute de financement suffisant et de professionnels disponibles, les délais d'audiencement ou de réalisation des enquêtes sociales se révèlent largement "insatisfaisants", selon elle.
- "Urgence" -
Sur le plan de la prévention, la Défenseure des droits considère qu’il "y a urgence" à intervenir en faveur d’un "service social scolaire solide", "y compris dans les écoles élémentaires".
Elle recommande également d'intégrer à la formation initiale des enseignants de modules relatifs à "la protection de l’enfance, aux droits de l’enfant, à la lutte contre toutes les formes de violences".
Dans un contexte de crise, "la tentation est grande d’empiler en urgence des solutions partielles défaillantes et d’adopter des réflexes défensifs", estime l'institution. Elle cite les mineurs non accompagnés (MNA) et les enfants en situation de handicap désormais "pointés comme n’ayant pas leur place dans les établissements de la protection de l’enfance".
Or, "tous les enfants en danger ont vocation à être protégés par un dispositif de protection de l’enfance exempte de toute discrimination."
Sur la question spécifique des MNA, point de crispation régulière entre l'Etat et les départements, la Défenseure des droits appelle ces derniers à ajuster leur dispositif d'accueil provisoire "en lien avec les préfectures" et déplore "l’insuffisance des réponses de l’État dans l’ensemble des départements concernés".
- Santé mentale -
Concernant les jeunes majeurs enfin, sur lesquels les associations tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années, elle insiste sur l'importance de leur accorder un "accompagnement adapté à leurs besoins".
La Défenseure des droits émet également des inquiétudes sur les "difficultés relatives à l’accès aux soins en santé mentale" pour les enfants concernés.
Ces enfants, "dont les symptômes peuvent provenir de troubles de l'attachement développés dans les premiers mois et années de vie, sont malheureusement amenés à subir régulièrement des ruptures de parcours et des réorientations multiples", note-t-elle. Dans le même temps, elle appelle à généraliser les unités d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED).
Selon les derniers chiffres officiels, quelque 390.000 enfants font l'objet d'une mesure de protection au titre de l'aide sociale à l'enfance (ex-Ddass). Le secteur est touché de plein fouet par une pénurie de professionnels, un déficit de structures d'accueil et un nombre croissant de jeunes à protéger.
O.Aceves--ESF