Après la décision américaine sur l'IVG, la majorité pour inscrire ce droit dans la Constitution
Inscrire "le respect de l'IVG dans notre Constitution": après la décision de la Cour suprême des États-Unis de révoquer ce droit, la majorité prend la main samedi avec une proposition de loi, la gauche qui y est favorable ne se privant pas de pointer un "revirement".
La très conservatrice Cour suprême a enterré vendredi un arrêt qui, depuis près d'un demi-siècle, garantissait le droit des Américaines à avorter mais n'avait jamais été accepté par la droite religieuse.
Dans la foulée, plusieurs États américains ont déjà annoncé prendre des mesures pour interdire les interruptions volontaires de grossesse sur leur territoire.
La décision a été largement condamnée en France, de gauche à droite. Emmanuel Macron a regretté la "remise en cause" des libertés des femmes. Et les associations de défense du droit à l'IVG se sont inquiétées d'un "signal dangereux".
"C'est catastrophique pour les femmes dans le monde: vous avez une femme qui meurt toutes les neuf minutes parce qu'un avortement a été mal pratiqué, de manière non sécurisée", a souligné sur France Inter samedi la nouvelle présidente du groupe LREM à l'Assemblée, Aurore Bergé.
L'élue des Yvelines, une ex-LR à l'engagement féministe, a annoncé déposer "une proposition de loi constitutionnelle pour inscrire le respect de l'IVG dans notre Constitution".
- Que fera le RN ? -
"Le gouvernement soutiendra avec force cette proposition de loi", a tweeté peu après la Première ministre. "Pour toutes les femmes, pour les droits de l’Homme, nous devons graver cet acquis dans le marbre. Le Parlement doit pouvoir se retrouver très largement autour de ce texte", a plaidé Élisabeth Borne, à l'unisson de plusieurs ministres.
Le délai légal pour avorter a été allongé de 12 à 14 semaines à la fin de la dernière législature.
Faut-il s'inquiéter pour l'IVG en France ? "Les droits des femmes sont toujours des droits qui sont fragiles et qui sont régulièrement remis en cause", selon Aurore Bergé.
Pointant les nouveaux députés RN, "des opposants farouches à l'accès des femmes à l'IVG", elle a jugé qu'il ne fallait "prendre aucun risque en la matière et donc sécuriser" ce droit.
Le FN (devenu RN) a été pendant longtemps radicalement anti-avortement. En 2011, Marine Le Pen avait redit son souhait de dérembourser l'IVG, puis prôné le statu quo sur le sujet, en se présentant comme la première défenseure des droits des femmes.
Les élus RN pourraient ne pas être unanimes sur la proposition constitutionnelle.
Sur Franceinfo samedi, Philippe Ballard, porte-parole du parti d'extrême droite, a souligné que "Marine Le Pen à aucun moment n'a remis en cause la loi Veil" qui a autorisé en 1975 l'avortement en France. Interrogé sur la décision de la Cour suprême américaine, il a répondu: "je suis souverainiste, on ne va pas se mêler des affaires des autres".
La proposition de loi d'Aurore Bergé, transmise à l'AFP, stipule que "nul ne peut être privé du droit à l'interruption volontaire de grossesse".
- La gauche tend la main -
Vendredi soir, la cheffe des députés Insoumis Mathilde Panot avait annoncé aussi qu'elle proposerait à l'alliance de gauche Nupes "de déposer une proposition de loi pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution".
"La présidente du groupe LREM reprend cette proposition que les parlementaires LREM avaient rejetée à plusieurs reprises dans la mandature précédente", ont relevé dans un communiqué les présidents des groupes de gauche, se félicitant de ce "revirement" et invitant au "dépôt d’un texte commun" par l'ensemble des groupes volontaires.
En 2019, les députés de gauche avaient, à l'initiative du socialiste Luc Carvounas, déposé une telle proposition de loi constitutionnelle, mais qui n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour.
En juillet 2018, des députés d'opposition avaient par amendement cherché à inscrire le droit à la contraception et à l'avortement dans le préambule de la Constitution, mais majorité et gouvernement s'étaient prononcés contre, jugeant ces droits suffisamment garantis.
Reste à voir comment le nouveau texte sociétal pourrait cheminer, alors que l'urgence est aux mesures de pouvoir d'achat et qu'Emmanuel Macron, qui a perdu la majorité absolue à l'Assemblée, cherche à "bâtir des compromis" avec ses opposants.
Une révision constitutionnelle nécessite l'adoption du même texte par Assemblée et Sénat, puis un vote à une majorité des 3/5e des suffrages exprimés du Parlement en Congrès. L'autre option est le référendum, mais seulement après le vote conforme par les deux assemblées.
A.Abarca--ESF