Affaire Sophie Le Tan: Jean-Marc Reiser face à son verdict
Assassinat méticuleusement préparé? Ou déchaînement de violence incontrôlé? Après plus d'une semaine de débats, la cour d'assises du Bas-Rhin rend mardi son verdict à l'encontre de Jean-Marc Reiser, qui a reconnu avoir tué et démembré l'étudiante strasbourgeoise Sophie Le Tan mais nie farouchement toute préméditation.
Avant de se retirer, les jurés entendront une dernière fois M. Reiser, contre lequel a été requise lundi la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté, la peine maximale. Celui qui s'est défendu pied à pied durant son procès aura la parole à 09H00, au terme d'un procès très médiatisé.
Les six jurés et les trois juges s'enfermeront ensuite dans la salle des délibérés pour répondre à deux questions : Jean-Marc Reiser, 61 ans, a-t-il volontairement tué Sophie Le Tan, dont le squelette incomplet n'a été retrouvé qu'en octobre 2019, plus d'un an après sa disparition, le 7 septembre 2018, jour de ses 20 ans?
Et a-t-il prémédité le crime qui lui est reproché?
Cette question de la préméditation renferme tout l'enjeu du procès. Si M. Reiser a reconnu à l'audience, comme il le fait depuis janvier 2021, avoir tué Sophie, il nie en revanche toute volonté homicide et, surtout, toute préméditation : jamais il n'a préparé ni voulu sa mort.
- "Attirer sa proie" -
Lui et ses trois avocats l'ont martelé : c'est un "hasard regrettable" qui a mis Sophie Le Tan sur sa route. Le 7 septembre, il l'aperçoit alors qu'il est en bas de chez lui. Elle venait visiter son appartement qu'il avait mis en location via un site internet, mais lui avait oublié ce rendez-vous après avoir passé la nuit précédente à boire.
Selon sa version, c'est chez lui, après la visite, que les choses ont dégénéré : le rejet par la jeune femme de sa tentative de "bise" plonge M. Reiser dans un "état de fureur" incontrôlable, il la roue de coups de poing et de pied, elle chute lourdement et reste inanimée.
Prostré selon lui plusieurs heures, il prend la décision de découper le corps et de le dissimuler dans la forêt.
Un scénario de la "rencontre fortuite" et du "pétage de câble" rejeté par l'accusation et les parties civiles : "C'est bien dans un piège qu'elle est tombée", a conclu l'avocat général Laurent Guy, balayant la thèse, portée par la défense, d'un geste impulsif que M. Reiser aurait ensuite tenté de dissimuler dans la précipitation.
Pour l'accusation, il a au contraire publié une fausse annonce locative dans l'objectif de piéger une jeune étudiante correspondant à son goût pour les femmes asiatiques - Sophie était d'origine vietnamienne -, écartant les profils ne lui convenant pas. Au final, "la seule jeune femme qui va franchir la porte de l'appartement de Jean-Marc Reiser n'en ressortira pas", a pointé M. Guy.
Pour les parties civiles également, la préméditation "ne fait aucun doute" : "Il s'organise pour attirer sa proie dans sa toile", a estimé Me Rémi Stephan, l'un des avocats de la famille Le Tan.
Du côté de la défense, on a tenté d'instiller le doute dans l'esprit des jurés, essayant de les convaincre que leur client, dont ils savent qu'il sera condamné, n'avait rien calculé et n'est donc pas coupable d'assassinat mais de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Un chef d'accusation qui ferait courir à M. Reiser, jugé en récidive légale, non la perpétuité mais 30 ans de réclusion.
- "Mort blanche" -
"Il n'y a aucune certitude en ce qui concerne Jean-Marc Reiser qu'il a prémédité la mort de Sophie Le Tan", a estimé Me Xavier Metzger, rappelant que le doute devait profiter à l'accusé.
La peine maximale requise, "c'est la mort blanche", "la mort en milieu carcéral" pour M. Reiser, a prévenu Me Francis Metzger, autre conseil du sexagénaire.
"Nous espérons qu'il y aura la peine maximale", a déclaré Laurent Tran Van Mang, l'une des parties civiles, jugeant les réquisitions "justes".
Reste une inconnue : comment Sophie est-elle morte? A-t-elle subi des violences sexuelles? Les questions ont été soulevées durant les débats, même si M. Reiser n'est pas poursuivi pour viol. "Que s'est-il passé? Lui seul le sait (...) On n'a que la version +reiserienne+", a déploré Me Gérard Welzer, autre avocat des parties civiles.
A.Abarca--ESF