JO-2024 de Paris: l'intenable équation sécuritaire?
Entre la cérémonie d'ouverture hors-norme, le manque d'agents de sécurité privée, les menaces terroristes ou de cyber-attaques, l'énorme défi sécuritaire des JO de Paris fait douter certains de la capacité à sécuriser l'évènement de façon optimale.
La France sera-t-elle prête pour ces JO? C'est la question qui hante à deux ans du coup d'envoi des JO-2024 nombre de responsables des forces de l'ordre à qui incombe la responsabilité d'assurer la sécurité de cet évènement planétaire pour lequel près de 13 millions de spectateurs et 15.000 athlètes sont attendus.
Le fiasco de la finale de la ligue des champions au Stade de France le 28 mai a considérablement marqué les esprits mais au-delà de l'image déplorable donnée au monde, cet évènement a eu une vertu, celle de "réveiller un peu tout le monde" sur la sécurité des JO, selon une source sécuritaire.
- Les drones, point de faiblesse -
D'ailleurs, comme l'a reconnu une source proche de l'exécutif, la désastreuse séquence du Stade de France "va nous coller comme un sparadrap jusqu'aux JO".
Cette nervosité autour de la sécurité des JO a conduit le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à fixer une feuille de route extrêmement claire au nouveau préfet de police de Paris, Laurent Nunez. "Vous serez le préfet de police en charge des JO, et toute la préfecture de police doit être tournée vers cet objectif", a insisté jeudi le ministre de l'Intérieur lors de la cérémonie d'installation de M. Nunez.
Depuis déjà des mois, l'attention sécuritaire pour les JO de Paris se focalise sur la cérémonie d'ouverture sur la Seine, un évènement inédit pour lequel le comité d'organisation des JO (Cojo) prévoit près de 600.000 spectateurs, dont près de 500.000 pourraient y assister gratuitement.
Il y a quelques semaines, le criminologue Alain Bauer est allé jusqu'à qualifier cette cérémonie de "criminelle" sur le plateau d'une émission de France 5. Si l'expression force l'outrance, elle reflète pourtant bien le sentiment de certains responsables policiers.
Un sujet majeur concentre les inquiétudes des forces de l'ordre, celui des drones. "On n'est pas prêt du tout. Si un drone équipé de grenades passe au dessus de la foule et en lâche quelques-unes, on ne sait pas encore comment le neutraliser", reconnait une source proche de l’exécutif.
Cette inquiétude n'est pas nouvelle, les drones sont une menace récurrente lors des manifestions. "Mais là c'est l'ampleur de la foule dispersée sur les 6 km de berges qui pose problème", explique cette source.
La gestion de la foule attendue lors de cette cérémonie où défileront les délégations sur près de 180 bateaux n'est pas encore arrêtée. Si les organisateurs souhaitent que les spectateurs puissent se déplacer sur les quais hauts des berges bordant la Seine, les policiers souhaitent eux fixer les gens dans des boxes en imposant une billetterie gratuite. "Ce sont deux philosophies qui s'affrontent là-dessus", a résumé une source à Paris-2024.
- Recours à l'armée -
Pour cette cérémonie, il faudrait selon une source policière "près de 7.000" forces de l'ordre, un contingent "impossible" à mobiliser selon cette source en plein été. Se pose alors la question du recours aux agents de sécurité privée. Mais là encore le bât blesse.
Les besoins estimés pour les JO tournent autour de 24.000 agents pour sécuriser les sites. Mais depuis des mois, le milieu de la sécurité privée, et les organisateurs, notamment par la voix de Bernard Thibault, membre du Cojo, tirent la sonnette d'alarme.
"On ne les a pas", avait reconnu mi-avril à l'AFP l'ex-secrétaire général de la CGT. Un déficit qui rappelle le scénario catastrophe des JO de Londres en 2012 quand les Britanniques avaient dû faire face à la défaillance d'une société de sécurité privée.
"C'est bien simple, les 24.000 agents dont les JO ont besoin n'existent pas, et ils ne les auront pas. L'armée va être réquisitionnée pour faire le boulot", assure une source policière haut-placée.
Ce scénario d'un recours à l'Etat en cas de défaillance de la sécurité privée a bien été prévu dans le protocole de sécurité signé en 2019 entre les organisateurs et l'Etat.
L'éventualité des cyber-attaques est également un sujet de préoccupation, les JO étant une cible privilégiée depuis des années. Plusieurs centaines de cyber-enquêteurs de la Place Beauvau devraient, selon une source proche des organiseurs, être affectés à cette surveillance.
Comme la loi olympique votée en 2018 l'avait prévu, un centre de renseignement olympique a été constitué pour contrer tout risque d'attentat. "Mais clairement, pour l'instant en tout cas, il y encore des trous dans la raquette. Et il va falloir se dépêcher", résume la source policière de haut rang.
D.Sánchez--ESF