Nicaragua: le siège d'un journal d'opposition saisi transformé en centre culturel par le gouvernement
Le siège du journal d'opposition La Prensa à Managua, occupé depuis l'an dernier par la police, va être transformé en centre culturel, a annoncé mardi le gouvernement du président nicaraguayen Daniel Ortega.
Les locaux du quotidien, le plus ancien du Nicaragua, fondé voici près d'un siècle, avaient été investis par la police le 13 août 2021 sous couvert d'enquête pour fraude et blanchiment d'argent contre ses dirigeants.
Rosario Murillo, vice-présidente et épouse de Daniel Ortega, a annoncé mardi l'ouverture prochaine d'un centre culturel au siège du journal, dont l'enseigne a été retirée de la façade.
Le gérant du quotidien La Prensa, Juan Lorenzo Holmann, est détenu depuis l'an dernier, alors que de nombreux opposants, dirigeants d'organisations de la société civile et aspirants candidats à l'élection présidentielle de novembre dernier face à M. Ortega ont également été arrêtés.
"Le vol (du siège du journal et de son matériel) est consommé ce 23 août", s'est indigné La Prensa sur sa plateforme internet. Le quotidien, qui continue à être publié en ligne depuis son exil au Costa Rica, a fait valoir que l'accusation n'avait présenté aucune preuve de fraude lors du procès de M. Holmann. Celui-ci a été condamné à neuf ans de prison.
Cette annonce intervient au lendemain de celle de la transformation en "Maison de la Souveraineté" des bureaux de l'Organisation des Etats américains (OEA, basée à Washington), expulsée en avril de la capitale.
En avril, Managua avait décidé d'accélérer son départ prévu de l'OEA en se retirant immédiatement de l'organisation et en fermant les bureaux de la capitale, qualifiant l'OEA de "diabolique instrument du mal". Ce départ annoncé en novembre 2021 aurait dû, selon le protocole de l'organisation, n'être effectif qu'après deux ans.
"Ces lieux qui ont été l'antre de machinations, de crimes contre l'humanité, (deviennent) aujourd'hui des centres de profonde spiritualité et d'éducation", s'est félicitée mardi Mme Murillo. "Le passé de haine ne reviendra pas (...) cela est décrété", a-t-elle insisté.
Depuis un an le gouvernement a interdit environ 1.500 universités, associations, ONG - dont la congrégation des missionnaires de la Charité fondée par Mère Teresa -, jugeant qu'elles ne respectaient pas la loi sur les "agents étrangers". Les locaux de ces organismes dissous ont été mis à la disposition de l'Etat.
Les organisations de défense des droits de l'homme estiment à 190 le nombre d'opposants détenus au Nicaragua, parmi lesquels figurent sept ex-candidats à la présidence. Au moins 45 d'entre eux ont été condamnés cette année à des peines allant jusqu'à 13 ans de détention pour "atteinte à l'intégrité nationale".
Dimanche, le pape François s'est dit "préoccupé" par les tensions croissantes entre l'Etat et l'Eglise catholique du Nicaragua, deux jours après l'arrestation de l'évêque Rolando Alvarez, critique du régime.
R.Abreu--ESF