Une enquête en Géorgie sur l'élection de 2020 pourrait être fatale à Trump
Si la perquisition de sa résidence par le FBI et les auditions publiques de l'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole ont intensifié la pression sur Donald Trump, c'est l'enquête dans l'Etat américain de Géorgie qui pourrait provoquer sa chute, jugent des experts.
L'investigation sur les tentatives de l'ancien président pour inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du Sud est scrutée de près dans la sphère politique, d'autant qu'il flirte de plus en plus ouvertement avec l'idée d'une nouvelle candidature en 2024.
Après sa défaite, Donald Trump - qui a perdu la Géorgie d'un cheveu face à Joe Biden - avait immédiatement dénoncé des fraudes électorales.
Malgré trois nouveaux décomptes, aucune preuve de fraude d'ampleur n'a été trouvée et les plaintes de son équipe ont été déboutées.
Mais le républicain de 76 ans avait demandé au secrétaire d'Etat de Géorgie Brad Raffensperger de "trouver" 12.000 bulletins en sa faveur pour renverser l'issue du scrutin dans un appel téléphonique rendu public.
Dans une note publiée en octobre 2021, des juristes du centre de réflexion Brookings Institution estimaient qu'il existait pour le milliardaire "un risque important de poursuites" dans cet Etat clé.
Fani Willis, procureure du comté de Fulton, qui comprend Atlanta, a chargé en mai un grand jury de déterminer s'il existait assez d'éléments pour poursuivre Donald Trump.
- "Risque juridique" -
Au terme de cette longue enquête, l'ex-président pourrait être inculpé de chefs d'accusation liés à des fraudes et ingérences électorales, selon des experts juridiques.
M. Trump, qui nie tout acte répréhensible, pourrait aussi être poursuivi dans le cadre d'une loi habituellement utilisée pour faire tomber des membres de la mafia.
Fani Willis est déjà parvenue à recueillir des témoignages de personnalités du cercle rapproché de l'ancien magnat de l'immobilier, notamment de son ex-avocat personnel Rudy Giuliani, qui fait lui-même l'objet d'une enquête pénale.
Un juge a par ailleurs exigé que le gouverneur républicain de Géorgie Brian Kemp, fustigé par Donald Trump pour avoir certifié la victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle, témoigne à son tour après les élections législatives de novembre 2022.
Brad Raffensperger et le procureur général de Géorgie Chris Carr, qui a lui aussi fait l'objet de pressions de la part de l'ex-président, ont déjà été entendus par le grand jury.
L'ancien chef de cabinet de Donald Trump, Mark Meadows, est lui-même dans le viseur de la justice, tout comme le sénateur républicain Lindsey Graham, proche allié de l'ancien président, accusé d'avoir suggéré de ne pas prendre en compte des bulletins de vote par correspondance en Géorgie, ce qu'il nie.
"Le fait que Fani Willis cherche des témoignages d'autres proches de Donald Trump, notamment Mark Meadows, montre le sérieux de cette enquête, et à quel point Trump devrait être inquiet du risque de poursuites", a tweeté Noah Bookbinder, président du groupe anti-corruption Citizens for Responsibility and Ethics in Washington.
Une liste de témoins de premier plan ne garantit pas que les poursuites auront des bases solides, nuance toutefois Kevin O'Brien, avocat et ancien procureur fédéral à New York.
- "Grande menace" -
Les procureurs des Etats ont généralement moins d'expertise dans ce genre d'affaires que le ministère de la Justice et pourraient opter pour "une approche attentiste", poursuit M. O'Brien.
"Jusqu'à présent, Donald Trump est parvenu à échapper à toute responsabilité pour ses actions, que ce soit en Géorgie ou ailleurs", ajoute-t-il.
Mais pour certains spécialistes, l'enquête en Géorgie est différente de celle du ministère de la Justice et aurait plus de chances d'aboutir à une inculpation.
Pour David French, analyste politique conservateur, la Géorgie constitue le principal risque de poursuites judiciaires pour l'ancien président.
"Imaginons qu'il soit le shérif d'une petite ville et qu'il appelle un responsable chargé de superviser l'élection du comté en lui disant +J'ai besoin de 50 votes en plus, sinon vous risquez de vous retrouver en prison+", Donald Trump aurait probablement déjà été inculpé, a-t-il expliqué dans son podcast The Fifth Column.
"Mais c'est l'ancien président des Etats-Unis. L'inculper est une affaire vraiment majeure. Et je ne sais pas si ça va arriver mais, selon moi, la Géorgie a toujours constitué la plus grande menace pour lui", a-t-il poursuivi.
O.Aceves--ESF