Portugal: acquittement général à l'issue du procès de l'incendie meurtrier de juin 2017
Cinq ans après l'incendie de juin 2017 à Pedrogao Grande, le plus meurtrier qu'ait connu le Portugal, les 11 personnes qui étaient jugées au tribunal de Leiria (centre) pour homicide par négligence ont toutes été acquittées mardi.
Si des défaillances au niveau de la prévention et du combat de ce feu de forêt ont bien été établies au cours du procès, les juges ont considéré que l'ampleur du drame, qui a fait 63 morts et 44 blessés, avait été provoquée par un phénomène naturel "extrême, rare et imprévisible".
Assis sur le banc des accusés, le commandant des pompiers de Pedrogao Grande, des cadres locaux d'un fournisseur d'électricité et d'un gestionnaire routier ainsi que plusieurs élus locaux ont accueilli ce verdict avec beaucoup de soulagement, devant une salle comble où n’étaient présents que quelques proches des victimes.
"Il n'a pas été prouvé que les décès et les blessures ont été le résultat, par action ou omission, de la conduite d'aucun des accusés", a indiqué le tribunal dans un communiqué distribué à l'issue de l'audience.
Selon les juges, la violence de l'incendie a été provoquée par un phénomène "qui n'avait jamais auparavant été observé au Portugal ni dans tout le continent européen", survenu lorsque la fumée et la chaleur émanant de l'incendie sont retombées soudainement, créant des rafales descendantes et une "explosion de feu", a décrit la juge présidente Maria Clara Santos.
- Vague de chaleur et sécheresse -
Le 17 juin 2017, la commune de Pedrogao Grande, située à près de 200 kilomètres au nord de Lisbonne, constituée à 72% de zones forestières sans interruption, et l'ensemble du Portugal était frappé par une forte vague de chaleur et la plus grave sécheresse depuis 1931, a-t-elle rappelé.
Le tribunal a reconnu que les entreprises chargées de l'entretien du réseau électrique et des routes n'avaient pas entièrement respecté les règles qui leur imposent de créer des bandes de protection sans végétation, mais n'a pas été convaincu que cela aurait effectivement ralenti la progression des flammes.
La plupart des victimes ont péri piégées dans leur véhicules, alors qu'elle tentaient de fuir le feu en voiture.
Commandant des pompiers de Pedrogao Grande à l'époque des faits, Augusto Arnaut était accusé d'avoir tardé à mobiliser les moyens qui auraient pu permettre de maîtriser l'incendie à ses débuts, avant qu'il ne ravage 24.000 hectares en cinq jours, mais le tribunal a expliqué avoir détecté des failles à plusieurs niveaux du dispositif de combat.
"Ce n'est pas le commandant qui a échoué, c'est le système", a réagi le président de la Ligue des pompiers portugais, Jaime Marta Soares. Avant l'ouverture de l'audience mardi matin, environ une centaine de ses camarades en uniforme se sont rassemblés devant le palais de justice en formant une haie d'honneur pour exprimer leur solidarité "silencieuse".
- Forêts "à l'abandon" -
"Cette décision est surprenante car on ressort avec l'idée qu'il n'y a eu aucune intervention humaine dans cette tragédie", a regretté l'avocat de plusieurs familles de victimes, André Batoca.
L'année 2017 reste un mauvais souvenir pour les Portugais car après une nouvelle vague d'incendies à la mi-octobre, le bilan des feux de forêt s'était alourdi à un total de 117 morts.
Le Premier ministre portugais Antonio Costa a reconnu que la responsabilité de l'Etat avait été engagée et les familles des victimes des incendies de juin et d'octobre 2017 ont été indemnisées à hauteur de 31 millions d'euros au total.
Le chef du gouvernement socialiste avait alors assuré que rien ne serait plus "comme avant" en matière de lutte contre les feux de forêt, promettant par exemple d'enfouir les lignes électriques ou de promouvoir la professionnalisation des pompiers, qui restent en majorité volontaires.
Cependant, à Pedrogao Grande, "la situation est pire qu'en 2017, avec de nombreux terrains forestiers laissés à l'abandon", dénonce à l'AFP l'ingénieur forestier Paulo Pimenta de Castro.
Et "au niveau du combat aux incendies, il n'y a pas eu de réforme structurelle, juste des changements cosmétiques", affirme-t-il, citant l'exemple du feu de forêt qui a ravagé cet été 24.000 hectares en plein parc naturel de la Serra da Estrela (centre), sans faire de mort.
G.Bardales--ESF