El Siglo Futuro - Au Cap Corse, la mer, seul recours pour avoir assez d'eau douce

Madrid -
Au Cap Corse, la mer, seul recours pour avoir assez d'eau douce
Au Cap Corse, la mer, seul recours pour avoir assez d'eau douce / Photo: © AFP

Au Cap Corse, la mer, seul recours pour avoir assez d'eau douce

Après un été historiquement sec, le village de Rogliano (Haute-Corse) a mis en service mardi une unité de dessalement, une première dans l'île, seule solution pour pallier les risques récurrents de pénurie d’eau douce, a indiqué le maire à l'AFP.

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"C'est la délivrance, Rogliano revit", a confié à l'AFP Patrice Quilici, maire de ce village situé à la pointe du Cap Corse qui inclut le port de plaisance de Macinaggio, très prisé des touristes.

Toujours en alerte sécheresse renforcée après un été chaud et sec record, comme dans l'hexagone, la commune n'a reçu "que 2 mm de pluie en septembre", pointe l'édile de Rogliano, qui "passe de 650 habitants l'hiver à 6.000" l'été, au pic de la saison touristique.

Depuis le 1er avril, les restrictions d'arrosage, de lavage ou de remplissage des piscines rythment la vie du village, où une course contre la montre s'est engagée, les yeux rivés sur le niveau d'eau potable du réservoir communal de 48.000 mètres cubes qui alimente également le village voisin de Tomino et ses 200 habitants.

"Quasi à sec" lundi, le réservoir a été vidé et nettoyé et "depuis mardi matin 10h00 la station tourne et produit 25 m3 d'eau douce par heure, 500 m3 par jour", s'est enthousiasmé M. Quilici.

Mise en place par la société marseillaise Nomado, cette unité de dessalement représente un coût total de "1,2 million d'euros", en partie pris en charge par l'Etat et la Collectivité de Corse, selon le maire.

"Face à la dégradation problématique du niveau de l'eau potable", la préfecture de Haute-Corse a indiqué à l'AFP avoir activé une "procédure d'urgence" pour autoriser la mise en service de l'unité "par dérogation", en parallèle d'une "procédure normale", plus longue, pour vérifier la conformité du dispositif.

"Les premières analyses de l'eau sont conformes" pour un usage alimentaire, a indiqué lundi à l'AFP l'Agence régionale de santé (ARS), précisant que des "prélèvements hebdomadaires" vont se poursuivre.

- Aire marine protégée -

Pour François Orlandi, le maire de Tomino, le dessalement "est le dispositif le moins naturel" pour obtenir de l'eau douce, mais les choix manquaient: "Huit milliards de m3 d’eau tombent chaque année en Corse et vont à la mer, et on n'en récupère qu'entre 80 et 100 millions de m3, soit 1%", a-t-il estimé auprès de l'AFP.

Mais que faire en attendant de nouvelles infrastructures: "Prier le ciel pour qu'il pleuve, ou vivre dans des conditions inacceptables au XXIe siècle ?", s'est-il interrogé.

"A 40 minutes du port de Macinaggio, l'île italienne de la Capraia fonctionne depuis dix ans avec une usine de dessalement, ils sont autonomes toute l'année et n'ont plus aucun problème", a fait valoir M. Quilici.

Sur la côte atlantique française, les îles de Sein, de Molène (Finistère) et de Groix (Morbihan) sont aussi passées au dessalement.

Les usines de désalinisation sont de plus en plus nombreuses dans le monde, avec 1,5 à 2 milliards d'hommes et de femmes vivant dans des régions où l'eau manque au moins durant une partie de l'année, selon l'ONU.

Et le dérèglement du climat promet d'aggraver la situation: à chaque degré supplémentaire gagné, un demi-milliard de personnes perdront 20% de leur eau douce, prédit le groupe des experts de l'ONU sur le climat (GIEC).

Mais une étude des chercheurs de l'Université de l'ONU au Canada, aux Pays-Bas et en Corée du sud, publiée en 2019, a montré que les 16.000 usines de désalinisation installées dans le monde créent plus de rejets toxiques que d'eau.

En moyenne, pour chaque litre d'eau douce générée, 1,5 litre de boue saline ou saumure est rejetée, généralement dans l'océan, affectant les écosystèmes.

Un sujet de préoccupation pour le parc marin du Cap Corse, aire marine protégée qui englobe Rogliano et qui "n'a pas encore été saisi par les services de l'Etat d'un quelconque avis sur cette unité", a indiqué à l'AFP la directrice du parc, Madeleine Cancemi, précisant avoir appelé les porteurs de projet à "limiter au maximum les impacts" sur l'écosystème.

"Nous allons rejeter la saumure là où il n'y a pas de posidonie", a promis M. Quilici, M. Orlandi assurant lui que sur l'île italienne voisine, l'usine de dessalement "n'a eu aucune incidence sur l’herbier" de cette plante endémique de Méditerranée utilisée comme nurserie par les poissons.

I.Santos--ESF