Deux-Sèvres: la lutte contre les "bassines" s'inscrit dans la durée
Des tours en bois, façon "village gaulois", pour "ancrer la lutte" sur le terrain: les opposants aux réserves d'eau à usage agricole dans les Deux-Sèvres ont pris racine à Sainte-Soline au terme de deux jours de mobilisation.
Après une manifestation de plusieurs milliers de personnes samedi, et de violents heurts avec les forces de l'ordre, une partie des militants sont restés dimanche à proximité du chantier, interdit d'accès par quelque 1.500 gendarmes.
"On a bien l'intention d'en faire l'usage. Ce sera le point de départ de tout un tas d'actions de harcèlement qui vont être menées si les travaux venaient à continuer", a déclaré Julien Le Guet, porte-parole du collectif.
"On attend urgemment un signe de l'Etat et clairement, si dans les jours qui viennent, on n'a pas une annonce d'un moratoire, une remise à plat du projet, on déclenche le dispositif", a-t-il ajouté.
Pour l'heure, les opposants ont pris racine en édifiant des tours de guet.
"On construit une vigie pour ancrer la lutte sur ce terrain, pour être en capacité de voir venir l'ennemi", a déclaré à l'AFP David, paysan boulanger de 43 ans ayant requis à l'anonymat, en renvoyant à "l'imaginaire collectif" du "village de Gaulois".
"Cette vigie se transformera en fortin et de façon permanente si le chantier des bassines reprend à Sainte-Soline (...) On est sur la base arrière de la zone à défendre", a-t-il assuré.
- "Accaparement" -
Samedi, 4.000 personnes selon les autorités, 7.000 selon les organisateurs s'étaient réunies à Sainte-Soline, à l'est de Niort, pour protester contre la réserve d'eau en construction, l'une des 16 prévues dans le département.
Le projet a été élaboré par un groupement de 400 agriculteurs dans le but de réduire leurs prélèvements d'eau pour l'irrigation durant l'été, grâce au pompage des nappes phréatiques superficielles en hiver.
Ces retenues dont la capacité atteint 650.000 mètres cubes - l'équivalent de 260 piscines olympiques - sont dénoncées par leurs détracteurs comme un "accaparement de l'eau" par l'agro-industrie, celle du maïs particulièrement, doublé d'une aberration écologique à l'heure du réchauffement climatique.
Des heurts violents ont éclaté samedi avec les 1.500 gendarmes mobilisés quand des manifestants ont voulu pénétrer sur le chantier, interdit d'accès. Une partie d'entre eux y sont parvenus avant d'être repoussés.
Une soixantaine de gendarmes selon le ministère de l'Intérieur, dont un a été hospitalisé, et une cinquantaine de manifestants selon les organisateurs de la manifestation, dont cinq hospitalisés, ont été blessés dans ces violences attribuées par la préfecture du département à des militants radicaux.
"Une journée historique", selon le collectif "Bassines non merci", tandis que la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, parlait de "succès" pour les forces de l'ordre.
- "Intérêt général" -
Dimanche, le dispositif de gendarmerie a été maintenu mais aucune nouvelle tentative d'intrusion n'a eu lieu.
Des militants cagoulés, en bleu de travail et équipés d'une meuleuse, de pelles et de pioches, ont en revanche sectionné une canalisation censée, selon eux, alimenter la future réserve depuis le forage d'un agriculteur partie prenante du projet.
Selon une source proche du dispositif de sécurité, la canalisation en question n'était pas reliée à la bassine mais alimentait la propriété d'un agriculteur faisant de la polyculture.
Ce week-end de mobilisation, après un premier au printemps dans le département, intervient alors que la sécheresse historique de l'été a cristallisé les tensions autour des bassines et, au-delà, des usages de l'eau.
Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a défendu dimanche un projet "autorisé" et "d'intérêt général", face auquel les manifestations doivent cesser. "Voir des écologistes aller attaquer des projets qui en réalité permettent de mieux réguler notre consommation d'eau, c'est fou", a estimé le député LR du Lot, Aurélien Pradié.
La députée EELV Sandrine Rousseau, qui a participé à la manifestation de samedi tout comme l'eurodéputé Yannick Jadot, a au contraire apporté son soutien aux "militants qui occupent les terrains (...) pour signifier que ces projets-là nous envoient dans le mur".
D.Cano--ESF