Affaire du cardinal Ricard: la justice enquête, l'épiscopat dans la tourmente
La révélation d'un nouveau scandale d'agression sexuelle dans l'Eglise catholique, avouée par le cardinal Ricard, continue de provoquer une onde de choc: la justice a ouvert une enquête tandis que les évêques ont annoncé à Lourdes une mesure d'aide à la gestion des affaires.
Figure de l'Eglise de France, le cardinal Jean-Pierre Ricard a créé la stupeur en avouant, via un message lu lundi par le président de l'épiscopat à l'assemblée plénière de Lourdes, avoir eu, lorsqu'il était curé il y a 35 ans, une conduite "répréhensible avec une jeune fille de 14 ans" à Marseille.
Le parquet de Marseille a ordonné une enquête préliminaire pour "agression sexuelle aggravée afin de vérifier dans un premier temps la nature exacte des faits dénoncés ainsi que leur datation et faire entendre l'ensemble des personnes ayant reçu des confidences ainsi que la personne qui en aurait été victime".
Selon la justice marseillaise, l'évêque de Nice avait saisi la justice dès le 24 octobre lorsque Mgr Ricard lui a confié avoir "embrassé" une adolescente.
Ancien archevêque de Bordeaux, le cardinal Ricard est parti à la retraite en 2019 mais reste électeur en cas de conclave.
"Je suis très choquée et ça me bouleverse en tant que religieuse", a témoigné auprès de l'AFP Georgette, une missionnaire catholique installée à Bordeaux depuis sept ans. "Il avait une très bonne réputation", a-t-elle dit, précisant bien connaître le prélat.
"C'est arrivé au stade où la météorite géante tombe et où il y a extinction des dinosaures", a-t-elle prévenu, redoutant une fuite des fidèles.
"Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes", ont écrit les évêques dans une lettre pastorale publiée à l'issue de leur assemblée plénière, disant aussi comprendre "l'ébranlement de nombreux fidèles".
- "stupéfaction" et "colère" -
Ils ont encore dit entendre "la stupéfaction, la colère, la tristesse et le découragement suscités" par cette affaire ainsi que celle de Michel Santier, sanctionné en 2021 par les autorités du Vatican pour des "abus spirituels ayant mené à du voyeurisme" dans les années 1990 et dont le silence autour de sa sanction a provoqué ces dernières semaines une vive colère chez les catholiques et les collectifs de victimes.
Le président de la Conférence des évêques (CEF), Mgr Eric de Moulins-Beaufort, a annoncé la constitution d'"un comité de suivi auquel tout archevêque ou évêque ayant à traiter du cas d’un autre évêque pour des abus ou agressions sexuelles se référera afin d’être accompagné dans toutes les étapes de la procédure".
L'idée est d'avoir "une équipe d'experts extérieurs" qui aura "un regard et une aide extérieurs sur l'ensemble des démarches civiles et canoniques (du droit de l'Eglise, ndlr), afin d'accompagner l'évêque concerné dans la mise en oeuvre des démarches à faire pour n'y ait pas de trous dans la raquette et éviter tout dysfonctionnement", a précisé la CEF.
"Nous allons agir aussi auprès des dicastères romains (services du Vatican, ndlr) concernés pour préciser les procédures, établir des critères plus précis quant à la publication des faits et des sanctions", a également déclaré Mgr de Moulins-Beaufort.
Lundi, la CEF avait révélé que dix anciens évêques avaient affaire ou avaient eu affaire à la justice - "huit mis en cause pour abus" et deux "pour non dénonciation".
Parmi les huit, figurent le cardinal Ricard et Michel Santier. Cinq cas sont "connus" de la presse selon la CEF, qui n'a pas donné de noms.
Il s'agit notamment d'Hervé Gaschignard, ex-évêque de Dax, démissionnaire en 2017 pour avoir eu des attitudes "inappropriées" envers des adolescents; une affaire classée sans suite par la justice, ou encore de l'évêque émérite de Gap Jean-Michel di Falco, accusé d'abus sexuels sur mineur dans les années 70, des faits qu'il a toujours niés. L'ancien évêque de Guyane Emmanuel Lafont, fait l'objet d'une "enquête canonique, sur le point de se terminer", selon une source proche du dossier.
G.Alamilla--ESF