Début des débats attendus dans un procès à haut risque pour Fox News
Les débats doivent commencer mardi au procès très attendu de la chaîne américaine Fox News, accusée d'avoir propagé la fausse thèse d'une présidentielle truquée en 2020 par une entreprise de machines de vote électronique, qui réclame 1,6 milliard de dollars de dommages et intérêts.
La sélection du jury a repris mardi matin, devant la cour supérieure de l'Etat du Delaware, à Wilmington, avant les plaidoiries d'ouverture des deux camps prévues plus tard dans la journée, a constaté une journaliste de l'AFP.
Le juge Eric Davis avait reporté l'audience de lundi à mardi, un délai qui laissait supposer des négociations de dernière minute entre, d'un côté, la chaîne et sa maison mère Fox Corporation et, de l'autre, l'entreprise Dominion Voting Systems.
Quels que soient les termes financiers, un accord éviterait à la chaîne préférée des conservateurs et à la famille Murdoch de subir "le procès en diffamation du siècle" comme l'a qualifié lundi le New York Times. Et à Rupert Murdoch, 92 ans, la perspective de devoir peut-être témoigner à la barre.
La procédure a déjà donné lieu à un déballage embarrassant pour Fox News, avec la publication d'échanges de courriels ou de SMS montrant que des vedettes de la chaîne, et même Rupert Murdoch, ne croyaient guère, en novembre 2020, au scénario d'une élection truquée, pendant que les accusations faisaient florès à l'antenne.
- "Le méchant" -
Le procès est très attendu aux Etats-Unis, où il est vu comme un test pour les limites de la liberté d'expression, garantie par le premier amendement de la Constitution, tout autant que pour la lutte contre la désinformation.
Au total, l'entreprise Dominion Voting Systems, qui opérait dans 28 Etats durant l'élection de 2020, réclame 1,6 milliard de dollars de dommages et intérêts devant ce tribunal civil.
Une somme faramineuse mais à la hauteur selon l'entreprise du préjudice pour avoir été présentée sur la chaîne la plus regardée du câble américain comme "le méchant" d'une "histoire inventée de toutes pièces" après la présidentielle de novembre 2020 perdue par Donald Trump, écrit-elle dans sa plainte.
Dans une ambiance tendue, le républicain accusait sans preuves le camp Biden de fraudes en tout genre. Et ses conseillers, Rudy Giuliani et Sidney Powell, pointaient quasi quotidiennement du doigt Dominion sur les plateaux de Fox News.
Durant la phase préparatoire, le juge Eric Davis a jugé "clair comme de l'eau de roche qu'aucune affirmation sur Dominion lors de l'élection de 2020 (n'était) vraie". Dominion pointe vingt extraits qu'il juge diffamatoires.
Mais l'entreprise devra établir une volonté délibérée de mentir chez Fox News et le jury devra se prononcer à l'unanimité pour une condamnation.
- "Vraiment fou" -
Incontournable dans le camp conservateur, et régulièrement accusée de se faire l'écho de théories conspirationnistes, Fox News joue gros et veut faire du procès un cas emblématique de la liberté de la presse.
Pour la chaîne, il était légitime de donner la parole au camp Trump quand il contestait le vote et "essentiel pour la recherche de la vérité" de laisser s'exprimer toutes les parties.
Mais Dominion Voting Systems s'appuie sur les discussions internes pour soutenir que Fox News mentait à dessein, pour ne pas perdre ses téléspectateurs acquis à Donald Trump.
Un "truc vraiment fou. Et dommageable", écrivait ainsi le 19 novembre 2020 le grand patron, Rupert Murdoch, dans un courriel intitulé "en train de regarder Giuliani!", à la patronne de Fox News, Suzanne Scott.
"Il faut la virer", disait aussi l'une des vedettes de la chaîne, Tucker Carlson, à la vision d'un tweet d'une journaliste de la chaîne balayant les accusations de fraude.
"Cela nuit considérablement à l'entreprise. Le cours de l'action est en baisse. Ce n'est pas une blague", ajoutait-il.
Fox News accuse Dominion Voting Systems d'avoir procédé à une sélection tronquée et biaisée des messages.
Le procès doit se conclure fin mai.
M.Hernández--ESF