A Cannes, le film coupe-faim que ne renierait pas Ruben Östlund
Des enfants qui arrêtent de manger et la société vacille: le Festival de Cannes s'est mis au régime coupe-faim lundi avec "Club Zero", une satire cynique que ne renierait pas le président du jury Ruben Östlund.
Le film, qui s'ouvre avec un avertissement le déconseillant aux personnes qui ont pu souffrir de troubles de l'alimentation, contient une scène de vomi explicite et peut-être encore plus écoeurante que celle -interminable- que le Suédois avait offert l'an dernier aux festivaliers dans "Sans Filtre", qui a remporté la Palme d'or.
"La nutrition est un moyen de montrer les codes et les règles qui régissent notre société", a expliqué la réalisatrice Jessica Hausner à l'AFP. "Lorsque, dans un dîner, une personne ne mange pas, les autres se sentent coupables ou offensés. Cela montre comment les règles (alimentaires) sont strictes et importantes dans la société".
La scène difficile à supporter "n'est pas là pour mettre les gens mal à l'aise. C'est pour montrer comment fonctionne la radicalisation", a-t-elle ajouté.
Ce long-métrage, dans son ensemble, dénonce l'embrigadement et le sectarisme, tout en ironisant sur les névroses des sociétés contemporaines, les carences éducatives des familles aisées, l'inertie face au changement climatique ou l'obsession du "manger sainement".
"Club Zero" se déroule dans un prestigieux établissement scolaire d'un pays européen non identifié.
Il tourne autour d'un groupe d'adolescents sous l'influence de Mme Novak, jouée par Mia Wasikowska, une professeure qui prône "l'alimentation consciente", jusqu'à se priver totalement de nourriture et mettre la vie de tous les élèves en jeu.
"Parfois, je me compare à quelqu'un qui viendrait d'une autre planète, qui nous regarde et (j'imagine) ce que cette personne penserait", a raconté la réalisatrice autrichienne.
- Les vrais croyants -
Au-delà des troubles alimentaires et des dérives sectaires, le film illustre les angoisses des plus jeunes générations, confrontées au changement climatique et aux inégalités.
"Je pense toujours que, si j'étais une adolescente maintenant, je serais tellement nerveuse avec le monde dont nous héritons", a déclaré Mia Wasikowska à l'AFP.
Pour préparer le film, Jessica Hausner et l'actrice vue dans l'"Alice au Pays des Merveilles" de Tim Burton ont fait des recherches sur les cultes et les sectes.
Pour la réalisatrice, l'enseignante devait être sincère dans ses croyances, plutôt qu'une manipulatrice. "C'est une vraie croyante et elle croit vraiment faire ce qu'il faut", a décrit Wasikowska.
Les enfants et Mme Novak "commencent à croire en quelque chose que nous considèrerions normalement comme faux et fou. Il est très difficile d'accepter que les gens croient sincèrement en des idées dévastatrices ou destructrices", a poursuivi Jessica Hausner.
Son dernier long-métrage, "Little Joe", était en compétition à Cannes en 2019 et avait valu un prix d'interprétation à l'actrice Emily Beecham.
Comme ce film, "Club Zero" comporte tout un travail sur les couleurs et la géométrie des décors.
"Je ne place pas les films à une époque ou à un endroit particulier. J'essaie de créer un style visuel artificiel", a souligné la réalisatrice, qui se dit "ennuyée" par le naturalisme.
R.Salamanca--ESF