"Marine B.", YouTubeuse sur la trace de personnes disparues
Un couple aperçu une dernière fois après un rendez-vous amoureux, un père SDF recherché par ses proches, un étudiant qui se volatilise en Inde... la youtubeuse lyonnaise Marine Bou médiatise des affaires de disparitions pour "aider" les familles.
"Bonjour à toutes et à tous, on se retrouve aujourd'hui pour une nouvelle vidéo. Aujourd'hui, il va s'agir de la disparition de ...", clame comme un gimmick la jeune femme de 32 ans au début de chaque format.
"Mon fil d'Ariane depuis toujours, c'est la recherche", explique la trentenaire brune à l'AFP depuis un petit café du quartier de La Confluence où elle travaille.
"Préparer un dossier, c'est une semaine à 10 jours voire deux semaines, en fonction de si je vais voir les familles sur le terrain ou pas", détaille celle qui "fait tout de A à Z": recherche d'informations, scripts, interviews, tournage, montage, édition.
Les vidéos qu'elle présente face caméra depuis son salon traitent majoritairement de disparitions survenues en France, avec des dizaines de milliers de vues en moyenne. La plus regardée: celle d'un jeune couple, Roxane et Nabil, disparu à Biarritz en février - 240.000 consultations.
Sa chaîne décortique aussi des dossiers, très médiatisés, parfois résolus, comme ceux de Delphine Jubillar en 2020 dans le Tarn ou de Leslie Hoorelbeke et Kevin Trompat dans les Deux-Sèvres en 2022.
Rien ne prédestinait cette ancienne chercheuse en cancérologie à l'univers des youtubeurs, très concurrentiel - la visibilité dépendant de la régularité des diffusions et de l'algorithme de YouTube.
"Je suis sortie d'une zone de confort où j'avais un métier stable, très bien payé, pour aller un peu vers l'inconnu", confie la spécialiste en biotechnologies. Le "déclic" est venu grâce à la Québécoise Victoria Charlton, qui compte 710.000 abonnés amateurs de faits-divers, en tête dans la niche francophone des "True Crime".
Dans le sillage de la Canadienne, une poignée de jeunes youtubeurs se concurrencent, Marine Bou se démarque en se spécialisant dans les disparitions. "Pour aider les familles" des disparus, avoir vraiment une utilité", dit-elle.
- 74.000 disparitions annuelles -
Depuis novembre 2021, Marine Bou est devenue enquêtrice bénévole de l'association "Assistance et recherche de personnes disparues" (ARPD) qui cherchait "un youtubeur ou une youtubeuse pour mettre en avant ses dossiers", en image.
Ce qu'elle fait, sur le site de l'ARPD et sur sa chaine Youtube, avec l'accord des familles, sous le logo de l'association. Elle se rétribue avec les vues et les placements de produits, comme la promotion d'un service VPN.
Créée en 2003 et composée de plus de 150 enquêteurs bénévoles -dont un tiers d'ex policiers ou gendarmes, détectives, magistrats en activité ou retraités-, l'ARPD aide les familles à retrouver la trace de personnes portées disparues, avec des appels à témoins, une aide dans les démarches et des recherches de terrain. Pour sa première collaboration, Marine Bou a retrouvé un père de famille, devenu sans-abri après son divorce.
"Au niveau de YouTube, on n’avait pas les relais nécessaires. On n’avait que deux solutions: monter une chaîne nous -même ou avoir une partenariat avec une chaîne existante", se souvient Bernard Valézy, le président de l'association. "Ce que Marine Bou faisait nous a plu", souligne cet ancien policier.
L'association agit à la demande des familles qui paient seulement leur adhésion - 40 euros. La youtubeuse les sollicite pour collecter des informations, des photos et vidéos familiales. Et elle leur accorde "un droit de regard" avant diffusion.
Elle a travaillé avec Nicolas Payoux, à la recherche de sa soeur de 21 ans, disparue sans explication après une fête et retrouvée morte un mois plus tard dans une forêt du Tarn-et-Garonne. Les gendarmes ont conclu à un suicide, la vidéo lancée pendant les recherches et diffusée récemment "m'a "aidé à mieux avancer" dans le travail de deuil, "comme un dernier hommage", dit-il à l'AFP.
Selon l'ARPD, dont Marine Bou est devenue vice-présidente, environ 74.000 personnes disparaissent chaque année en France, dont 51.000 mineurs.
M.Ortega--ESF