Elon Musk sème le doute sur son rachat de Twitter, en souhaitant des détails sur les faux comptes
Elon Musk envoie des signaux contradictoires sur son projet de rachat de Twitter: vendredi, deux heures après avoir dit que l'acquisition était "en suspens" en raison de doutes sur le nombre de faux comptes, le fantasque patron a assuré être "toujours engagé" à mener à bien la transaction.
"L'acquisition de Twitter est suspendue dans l'attente de détails sur le fait que les spams et les faux comptes représentent bien moins de 5% du nombre d'utilisateurs", a d'abord écrit M. Musk sur la plateforme, où il compte près de 93 millions d'abonnés.
Il a ensuite réitéré son engagement à acquérir le réseau social, mais le marché s'interrogeait sur ses intentions réelles.
L'action a commencé par plonger de 25% dans la foulée de l'annonce de la suspension avant de limiter ses pertes et de finir la séance en baisse de 9,7% à Wall Street.
Le directeur général du réseau social, Parag Agrawal, a assuré dans la journée s'attendre toujours à ce que l'opération se concrétise.
Après s'y être initialement opposé, le conseil d'administration du réseau social avait accepté fin avril une offre de rachat de 44 milliards de dollars formulée par le fantasque dirigeant d'origine sud-africaine.
M. Musk a notamment promis de débarrasser Twitter des spams, d'authentifier les utilisateurs et de renforcer la transparence sans préciser comment il comptait mettre en œuvre ce projet.
L'entreprise a indiqué début mai compter, en moyenne de janvier à mars, 229 millions d'utilisateurs quotidiens dits monétisables, c'est-à-dire exposés à de la publicité.
Elle avait estimé à cette occasion que moins de 5% d'entre eux étaient des spams ou des faux comptes.
La proportion de faux comptes est "un indicateur clef" pour Twitter, explique Susannah Streeter, analyste marchés pour Hargreaves Lansdown, car "le calcul du nombre précis de personnes qui tweetent réellement est considéré comme crucial pour les flux futurs de revenus via la publicité ou les abonnements payants sur le site."
- Pas de "commentaire aguicheur" -
Depuis l'offre d'acquisition du patron de Tesla et SpaceX, la valeur boursière de Twitter a fondu de plusieurs milliards de dollars, suivant le même mouvement baissier que la plupart des valeurs technologiques à Wall Street.
Le titre a terminé vendredi à un peu plus de 40 dollars, bien en-dessous des 54,20 dollars proposés par le milliardaire.
La direction a fait part jeudi du départ de deux hauts responsables et de la suspension de toute embauche non essentielle.
"Bien que je m'attende à ce que l'accord soit conclu, nous devons être préparés à tous les scénarios et continuer à agir dans le meilleur intérêt de Twitter", a affirmé Parag Agrawal vendredi sur le réseau social.
"Je vais aussi essayer d'apporter plus de transparence sur le travail que nous faisons", a-t-il ajouté. Mais cela ne passera pas par "des tweets sur le +sujet du jour+ ou le commentaire le plus aguicheur".
Avec le dernier tweet d'Elon Musk, "Wall Street va maintenant estimer 1) que la transaction est sur le point de tomber à l'eau, 2) que c'est une tentative de Musk de négocier un prix d'achat plus bas ou, 3) que Musk souhaite simplement se retirer de la transaction avec une indemnité de rupture de 1 milliard de dollars", a de son côté avancé Dan Ives, de Wedbush Securities.
Pour financer l'opération, le dirigeant a prévu de recourir à un apport personnel considérable, de solliciter un prêt bancaire ainsi qu'un prêt sur marge dans lequel il engagerait ses actions Tesla comme garantie collatérale.
Au début du mois, M. Musk a affirmé avoir levé un peu plus de 7 milliards de dollars auprès de divers investisseurs, dont le cofondateur d'Oracle Larry Ellison et le prince saoudien Al-Walid ben Talal.
"Bien que nous n'ayons jamais douté de la capacité de Musk de mener à bien la transaction d'un point de vue financier, nous jugions que le plus gros risque était qu'Elon lui-même change d'avis", a estimé Angelo Zino, de CFRA.
Pour Dan Ives, l'entrepreneur a surestimé la solidité de ses actions Tesla, dont le cours a nettement reculé depuis l'annonce du rachat de Twitter, et pourrait chercher à protéger le constructeur de véhicules électriques.
"Le fait que Musk crée une telle incertitude avec un tweet (et non un document boursier) est très perturbant pour nous et pour Wall Street" et suscite "de nombreuses questions mais pas de réponses concrètes quant à savoir si la transaction aura bien lieu", souligne l'analyste.
L.M. Del Campo--ESF