Accolades et décontraction affichée: l'offensive médiatique du prince William
Après avoir allégé ses engagements pendant plusieurs mois en raison du cancer de sa femme Kate, le prince William est revenu mercredi sur le devant de la scène avec un documentaire sur son engagement auprès des sans-abri.
La première partie de "We Can End Homelessness" ("Nous pouvons en finir avec la crise des sans-abri") a été diffusée dans la soirée de mercredi sur ITV. La seconde partie de ce film inédit sera diffusée jeudi soir, avant de rejoindre la plateforme Disney+ dès vendredi.
L'implication dans cette cause du prince de Galles, qui a plusieurs palais à sa disposition, a suscité de nombreuses critiques au Royaume-Uni. Mais l'initiative démontre une volonté de la part du futur roi et de sa femme Kate, tous deux âgés de 42 ans, de se montrer plus proches de leurs sujets en rompant avec une communication royale guindée, pour imposer un ton plus personnel voire intime.
La princesse de Galles s'est ainsi adressée directement au public pour révéler en mars qu'elle était atteinte d'un cancer, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux où elle était apparue face caméra, pâle et seule sur un banc. En septembre, c'est avec un film capturant de façon très cinématographique des instants de bonheur familial qu'elle avait annoncé la fin de sa chimiothérapie.
Si le frère cadet de William, Harry, multiplie les documentaires --le plus polémique étant celui produit avec sa femme Meghan sur Netflix fin 2022, dans lequel le couple réglait ses comptes avec la famille royale-- cette démarche est plus inhabituelle pour l'aîné.
Dans ce film, le prince William apparaît accessible, enchaînant accolades et embrassades avec des membres d'associations de lutte contre la précarité et des sans-abri.
Loin du protocole royal, il se fait interpeller par son prénom, sans la formule habituellement consacrée d'altesse royale.
L'ombre de sa mère, la princesse Diana, traverse tout le documentaire, comme pour revendiquer son héritage et s'inscrire dans ses pas.
Car c'est elle qui l'a sensibilisé, avec son frère Harry, à la cause du sans-abrisme. Des photos inédites le montrent, âgé d'une dizaine d'années, au côté de sa mère et de Harry, dans un centre pour SDF.
- "Imprimer sa marque" -
"Ma mère nous a emmenés, Harry et moi", se souvient-il, dans le documentaire. "J'étais un peu anxieux, je ne savais pas trop à quoi m'attendre". Mais "ma mère a déployé son art habituel de mettre tout le monde à l'aise, en riant et en plaisantant avec tout le monde", poursuit-il.
Ces visites, dit-il, lui ont ouvert les yeux sur un monde à mille lieues du sien et de l'univers feutré des résidences royales.
En Angleterre, quelque 178.500 foyers étaient en 2023-2024 considérés comme sans logement et éligibles à un hébergement dans des structures temporaires, selon les chiffres officiels, soit une hausse de plus de 12% par rapport à 2022-2023. Et chaque nuit, quelque 3.900 personnes dorment dans la rue, selon d'autres données officielles.
Le fils aîné du roi Charles III assure parler de ce problème à ses trois enfants George, Charlotte et Louis. Et balaie les critiques qui lui reprochent d'être mal placé pour s'attaquer à ce sujet: "Cela fait partie de mon rôle", assure-t-il, disant se "sentir obligé d'agir".
Le militant anti-monarchie Graham Smith s'est réjoui que ses "critiques aient été soulevées dans le documentaire".
"William a bien sûr rejeté toutes les critiques d'un revers de main et ne peut accepter l'idée que sa propre position et son abus de l'argent public sont injustes et immoraux", a dénoncé le directeur de l'organisation Republic sur X.
Le documentaire est également empreint de témoignages dithyrambiques louant l'action du prince.
Pour Pauline MacLaran, professeure à l'Université Royal Holloway, la diffusion de ce documentaire est pour William "l'occasion d'imprimer sa marque".
"Le sujet des sans-abri est extrêmement politique, particulièrement en ces temps où l'on voit une énorme hausse du phénomène", souligne-t-elle. Et pour la monarchie, soucieuse de sa pérennité, c'est une tentative "d'atteindre un public plus jeune", note-t-elle.
D.Serrano--ESF