Les auteurs-réalisateurs de documentaires "s’autocensurent", affirment leur syndicat face au Sénat
Des programmations trop "lisses" et de l'autocensure: la réalisatrice Elizabeth Drévillon et le journaliste d'investigation Jean-Baptiste Rivoire ont affirmé jeudi devant le Sénat que la pression des chaînes sur les auteurs-réalisateurs de documentaires portait préjudice au débat démocratique.
Les deux journalistes étaient invités par la commission sur la concentration dans les médias, respectivement en tant que présidente et membre de la Guilde des auteurs réalisateurs de documentaires.
Face au manque de contenus d’investigation politique et économique sur le petit écran, affirme la dirigeante du syndicat, les citoyens "vont chercher ailleurs l’information, ce qui ouvre la porte aux +fake news+ et au complotisme".
Et la documentariste de citer un sondage réalisé par son syndicat auprès de ses adhérents indiquant que, sur les cinq dernières années, 63% d'entre eux ont déclaré "ne plus être à l'initiative de leurs films mais réaliser une commande initiée par la chaîne ou le producteur". 60% disent "s’autocensurer" avant même de proposer leur projet, de crainte qu’il soit refusé.
"Au bout d’un moment, si vous voulez, les gens se disent +bon, moi je ne travaille pas gratuit, donc je vais plutôt faire les ours blanc et les baleines dans l’Antarctique+", ironise Jean-Baptiste Rivoire, ex-rédacteur en chef adjoint du magazine "Spécial investigation" de Canal+.
"Vous voyez des antennes qui sont devenues lisses", affirme le journaliste d’investigation, qui a lancé le média "Off investigation" et publié récemment "L'Élysée (et les oligarques) contre l'info", un ouvrage qui s’attarde sur les relations entre magnats des médias et exécutif.
Soumis aux régimes de l’intermittence, les auteurs de documentaires ne bénéficient pas du statut de journaliste alors qu’ils exercent bien souvent le même métier. Rémunérés à 40 % en droit d’auteurs, ils travaillent souvent dans une précarité qui leur laisse peu de marge de manœuvre, a aussi déploré Elizabeth Drévillon. Pour elle, la liberté de création passe aussi par l’indépendance financière des auteurs, avec, pourquoi pas, un salaire minimum.
L.Balcazar--ESF