Ukraine: les troupes russes se rapprochent de Kiev, avant des pourparlers en Turquie
Les troupes russes se rapprochaient mercredi toujours plus de Kiev, à la veille de discussions entre les chefs de la diplomatie russe et ukrainien en Turquie, première rencontre à ce niveau depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février.
Les forces russes ont rapidement avancé ces derniers jours vers la capitale depuis le nord et le nord-est, a constaté l'AFP.
Alors que la ligne de front était encore il y a cinq jours à une centaine de kilomètres au nord-est de Kiev, des colonnes de chars russes ne se trouvaient plus mercredi qu’à une quinzaine de kilomètres, près de Brovary.
A 30 km de cette localité, des combats ont également lieu mercredi près de Rusaniv, ont indiqué à l’AFP des soldats ukrainiens.
"Les colonnes de chars russes ont pris hier deux villages à quelques kilomètres. Ils tirent pour effrayer les gens et les forcer à rester chez eux, volent ce qu’ils peuvent pour se ravitailler et s’installent au milieu des habitants, pour ne pas que les forces ukrainiennes les bombardent", a affirmé à l’AFP Volodymyr, 41 ans, habitant près de Brovary.
Face à la progression russe vers Kiev et à la poursuite des bombardements dans de nombreuses régions, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé les Occidentaux à envoyer "au plus vite" des avions de chasse à l'Ukraine, à commencer par les MiG-29 proposés par Varsovie.
"Prenez une décision au plus vite, envoyez nous des avions!", a lancé M. Zelensky dans une vidéo mercredi sur Telegram. Il a remercié Varsovie pour avoir proposé de fournir des MiG-29 et regretté qu'"aucune décision" "n'ait (encore) été prise".
La Pologne s'est dite mardi "prête à déplacer sans délai et gratuitement tous ses avions MiG-29 sur la base de Ramstein (en Allemagne) et à les mettre à la disposition du gouvernement des Etats-Unis", pour que ces derniers les livrent à l'Ukraine.
"C'est un scénario très indésirable et potentiellement dangereux", a affirmé de son côté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Depuis le début, Washington et ses alliés s'efforcent d'aider l'Ukraine tout en évitant toute implication directe des pays de l'Otan, qui ferait risquer une troisième guerre mondiale.
La vice-présidente américaine Kamala Harris devait cependant discuter jeudi en Pologne avec les dirigeants polonais pour voir comment fournir une "assistance militaire" à l'Ukraine, selon des responsables de l'administration américaine ayant requis l'anonymat.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé que son pays enverrait du matériel militaire supplémentaire à Kiev, tandis que le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a indiqué que Londres poursuivrait ses livraisons de missiles antichars.
- "Certains progrès" -
Ces débats sur les avions de combat ont surgi alors que la Russie et l'Ukraine se sont entendus mercredi sur des cessez-le-feu pour permettre d'instaurer des couloirs humanitaires autour de zones durement frappées par les combats ces derniers jours, qui ont obligé les civils à rester parfois des jours cachés dans des caves.
Des couloirs ont notamment été définis pour évacuer dans la journée les civils depuis Energodar vers Zaporojie (sud), de Izioum à Lozova (est) et de Soumy à Poltava (nord-est), où un corridor avait déjà permis l'évacuation de milliers de civils mardi.
Plusieurs couloirs étaient également prévus pour évacuer, vers Kiev, les civils depuis plusieurs villes à l'ouest de la capitale. Les autorités locales ont cependant indiqué qu'une cinquantaine de cars d'évacuation dans cette région avaient été stoppés, sans autres précisions.
Elle a aussi assuré que la Russie ne cherchait pas à "renverser le gouvernement" ukrainien, contrairement à ce qu'avaient affirmé des responsables russes depuis deux semaines.
- "Compromis"?
Un adoucissement dans le ton qui intervient après que le président Zelensky a suggéré, dans un entretien à la chaîne américaine ABC, ne plus insister sur une adhésion de l'Ukraine à l'Otan, une des questions invoquées par Moscou pour justifier l'invasion.
Dans le même entretien, il s'est aussi dit prêt à un "compromis" sur le statut des territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine dont Vladimir Poutine a reconnu unilatéralement l'indépendance.
Une inflexion de positions qui pourrait alimenter les discussions prévues jeudi à Antalya, en Turquie, entre les ministres des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et ukrainien Dmytro Kuleba, avec leur homologue turc Mevlüt Cavusoglu comme médiateur. Mercredi, M. Kuleba a assuré dans une vidéo sur Facebook qu'il ferait tout pour que les "pourparlers (soient) les plus efficaces possible" tout en confiant avoir des "attentes limitées".
Cette rencontre est une première à ce niveau depuis le début du conflit il y a bientôt deux semaines.
A la veille de cette rencontre, Vladimir Poutine et le chancelier allemand Olaf Scholz se sont entretenus mercredi au sujet des "efforts diplomatiques" et des couloirs humanitaires, selon le Kremlin.
En attendant, le nombre de réfugiés qui ont fui l'Ukraine depuis le 24 février augmente de jour en jour, et est désormais estimé entre "2,1 et 2,2 millions de personnes", selon le Haut commissaire aux réfugiés Filippo Grandi.
Malgré les couloirs humanitaires, les bombardements continuent sur plusieurs villes.
A Severodonetsk, dans l'est de l'Ukraine, 10 personnes sont mortes mardi, selon un responsable régional. Et dans la région de Jytomyr, à l'ouest de Kiev, neuf personnes ont péri dans des frappes aériennes.
Dans la capitale, où les sirènes retentissent régulièrement, les musiciens de l'Orchestre symphonique de Kiev ont donné mercredi un concert sur la place Maïdan, et joué sous la neige les hymnes ukrainien et européen, selon un journaliste de l'AFP.
Au nord, à la frontière ukraino-bélarusse, la centrale de Tchernobyl a redonné mercredi des sueurs froides, après que l'opérateur ukrainien Ukrenergo a annoncé que l'alimentation électrique avait été "complètement" coupée sur le site, en raison d'actions militaires russes.
Mais l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a affirmé ensuite que cette coupure ne présentait "pas d'impact majeur sur la sécurité" du site, où eut lieu la plus grave catastrophe nucléaire civile en 1986.
- "Guerre économique" -
Après deux semaines de conflit, les sanctions occidentales font de plus en plus sentir leurs effets en Russie.
Le Kremlin a dénoncé mercredi la "guerre économique" déclarée par les Etats-Unis, après l'annonce mardi par Washington d'un embargo américain sur les achats d'hydrocarbures russes, en supplément des sanctions inédites déjà infligées à Moscou.
Le président Zelensky a appelé l'Union européenne à suivre cet exemple en adoptant des "mesures dures, des sanctions contre la Russie pour sa guerre", mais sans appeler directement à un embargo européen sur le pétrole ou le gaz.
Les Européens, beaucoup plus dépendants que les Américains du brut russe, refusent pour l'instant d'aller aussi loin, alors que la guerre fait déjà flamber les prix du pétrole et du gaz.
La crise énergétique actuelle est "comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973", a affirmé mercredi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.
Les cours mondiaux des céréales ont aussi atteint mardi des niveaux inédits.
La présidence française de l'UE a néanmoins annoncé mercredi matin de nouvelles sanctions européennes contre Moscou et Minsk. Les Vingt-sept ont notamment ajouté 14 oligarques et 146 sénateurs russes à leur liste de personnes visées par des sanctions.
La liste d'entreprises occidentales - notamment de grands groupes de consommation comme McDonald's ou Coca-Cola - coupant ou suspendant tout ou partie de leurs activités et de leurs liens avec la Russie ne cesse de s'allonger, ajoutant aux licenciements.
De son côté, l'agence de notation Fitch a de nouveau abaissé mardi la note qu'elle attribue à la dette de la Russie, une décision signifiant que le risque d'un défaut souverain est à ses yeux "imminent".
Un défaut de paiement de Moscou serait une première depuis la grande crise financière de 1998.
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B.Vidal--ESF