L'aptitude à la conduite, le combat de Pauline Déroulède contre "un gâchis"
Percutée à 80km/h par la voiture d'un homme âgé ayant "appuyé sur l'accélérateur au lieu du frein", Pauline Déroulède, membre de l'équipe de France de tennis en fauteuil, a lancé sa campagne en faveur d'une loi pour des tests d'aptitude obligatoires.
Elle dit avoir été confortée dans son combat après un échange "fort" avec le responsable de son accident.
"Pour moi, il y a clairement eu un avant et un après cet échange. Ca a participé grandement à enlever la colère, c'était positif pour la suite, j’ai compris beaucoup de choses", explique à l'AFP Pauline Déroulède, qui vient de diffuser sur ses réseaux sociaux un premier clip de sensibilisation et ouvert une cagnotte en ligne.
Aujourd'hui N.2 française de tennis en fauteuil rêvant des Jeux paralympiques en 2024 à Paris, Pauline Déroulède a perdu sa jambe gauche après avoir été percutée par une voiture. Le conducteur, un homme de 92 ans, l'a heurtée violemment - ainsi que deux autres personnes - alors qu'elle se trouvait à l'arrêt sur son scooter à Paris.
"Si les conducteurs qui nous ont percutées avaient passé un test d'aptitude à la conduite, ils n'auraient plus le permis. Et Cléo et moi aurions encore nos deux jambes", souligne dans son clip Pauline Déroulède qu'on voit aux côtés de Cléo, 10 ans, fauchée à 3 ans par une dame de 86 ans.
La campagne a reçu le soutien du ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, et du médecin Michel Cymes.
"C’est dingue qu’en France, on ait le permis à vie sans aucun contrôle, on peut conduire jusqu’à 100 ans", s'insurge Déroulède, qui dit ne pas avoir reçu le soutien de la Sécurité routière "sous le prétexte des élections".
Selon la Sécurité routière, la déléguée interministérielle Marie Gautier-Melleray "est soumise à un droit de réserve et ne peut pas s'engager sur certains sujets" en période d'élections.
"Pauline Déroulède a été reçue plusieurs fois par la déléguée et son prédécesseur", a souligné à l'AFP la Sécurité routière, pour qui "ce n'est pas l’âge qui présente une dangerosité, mais l'apparition de pathologies ou la nécessité de recourir à des traitements qui impactent l'aptitude à la conduite".
Déroulède a été confortée dans son combat après s'être entretenue avec celui qui l'a rendue handicapée.
"Je suis heureuse d’avoir eu cet échange avec lui dans le cadre d’un truc qui s’appelle la justice restaurative. J’avais besoin d’avoir sa version. Je ne me voyais pas ne pas lui parler dans le cadre de ce combat que je mène", raconte-t-elle.
L'échange s'est fait en visio, à la sortie du confinement, en présence de la femme du nonagénaire.
"Ca a été fort. Je n’avais pas de haine, juste besoin de comprendre. Dans ce que j’ai vu, ils étaient détruits, c’aurait pu être mes grands-parents. Ca me fait de la peine de voir deux personnes âgées comme ça en train de pleurer. Un monsieur de 92 ans qui pleure… Et qui vous appelle par votre prénom, ça ne s’oublie pas", se souvient-elle.
"Mais à la fois ce monsieur m’a dit qu’il savait qu’il n'était plus capable. Que s’il y avait une loi, il l’aurait respectée. Ce sont ses mots. +Parce que nous, les personnes âgées, on respecte les lois+. On sort de cet échange et on se dit : avec Tiphaine (sa compagne, NDLR), eux et moi c’est quatre vies brisées pour quelque chose qui aurait pu être évité. Quel gâchis !"
"Ce monsieur a inversé les pédales comme c’est souvent le cas, il a appuyé sur l’accélérateur au lieu du frein et il m’a tapée à 80 km/h. Il était désorienté, il n’était plus capable. C’est pour ça qu’il faut des tests", assène-t-elle.
Le nonagénaire est depuis décédé en décembre dernier.
P.Rodríguez--ESF