Présidentielle: "rien n'est joué", prévient le camp Macron
"Le second tour n'est pas joué". Plusieurs soutiens d'Emmanuel Macron ont alerté lundi sur tout risque de relâchement dans la dernière ligne droite de la présidentielle, alors que le président-candidat prend l'avantage dans les derniers sondages sur Marine Le Pen.
Avant de mettre sa campagne en sourdine pour préparer le débat très attendu de mercredi soir, la candidate RN s'est fendue d'un bain de foule sous le soleil de la Normandie, alors qu'Emmanuel Macron a occupé le terrain médiatique avec trois interviews à la radio et la télévision.
Partout, il a relayé le même message: aux urnes citoyens! S'adressant notamment à ceux qui hésitent à voter dimanche parce que leur seule motivation est de faire barrage à l'extrême droite, il a insisté: "la vie en société, c'est le fruit de compromis. Au deuxième tour, vous éliminez".
Selon deux sondages Ipsos et Ifop diffusées lundi, Emmanuel Macron l'emporterait par 56% pour le premier et 54,5% pour le deuxième, une marge assez nette.
Mais le président-candidat n'est pas à l'abri, ni d'un faux, ni d'une importante mobilisation de l'électorat anti-Macron, ni d'une forte abstention de la part de ceux qui pensent que l'élection est déjà jouée.
"Repensez à ce que les citoyens britanniques disaient quelques heures avant le Brexit ou aux États-Unis avant que le vote Trump n'arrive: je ne vais pas y aller, à quoi ça sert? Je peux vous dire que le lendemain ils ont regretté", a souligné M. Macron lundi soir sur France 5. "Donc si vous voulez éviter l'impensable ou quelque chose qui vous rebute, choisissez pour vous-même."
Et plusieurs de ses lieutenants, tels François Bayrou ou Edouard Philippe, ont tiré le signal d'alarme.
"À l'évidence, le front républicain n'est plus un réflexe naturel, par lassitude sans doute", a dit M. Philippe dans Le Figaro.
"On a déjà vu des peuples faire des choix qu'avec le regard de l'historien on trouve insensés. Mais ça peut arriver", a ajouté M. Bayrou dans la République des Pyrénées.
Après la pause du dimanche de Pâques, Marine Le Pen était, elle, de retour sur le terrain dans le Calvados, à Saint-Pierre-en-Auge (7.500 habitants).
"Je viens chercher la force du peuple" et "je suis très confiante, je pense que je vais gagner", a-t-elle lancé.
Après un débat raté en 2017, où elle était fatiguée et maîtrisait mal ses dossiers, Marine Le Pen estime être mieux préparée. Elle va maintenant s'isoler pour peaufiner ce duel télévisé.
"Je vais travailler mon débat chez moi de manière tout à fait normale", a-t-elle dit sur France Bleu Normandie.
Pour Emmanuel Macron, le débat constituera "un moment de clarification". Sur la forme, "l'enjeu est d'être persuasif et convaincant sans prendre un ton trop professoral", souligne son entourage.
- "Clivage profond" -
Lundi, Emmanuel Macron a de nouveau pris pour cible son adversaire sur un sujet régalien par excellence, la réforme des institutions, en se posant comme le garant du droit et du respect de la Constitution, espérant ainsi décrédibiliser Marine Le Pen.
"Au fond, une fois élue, elle considère qu'elle est supérieure à la Constitution, puisqu'elle peut ne pas la respecter pour en changer les règles, ça c'est une rupture, et c'est grave", a pointé M. Macron sur France Culture.
La candidate du RN compte soumettre au référendum son projet de révision constitutionnelle sur l'immigration et l'inscription de la "priorité nationale".
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune a également fustigé "des revirements, des incohérences et des inconséquences de Marine Le Pen (...)", citant la peine de mort et l'interdiction du voile islamique dans l'espace public.
- "Affaire compliquée" -
Plusieurs lieutenants de la candidate ont affirmé que cette interdiction du voile, présente dans le projet initial de Marine Le Pen, n'était plus sa priorité dans la lutte contre l'islamisme.
Lundi, le Rassemblement national tentait toujours de clarifier sa position précise. La question du voile "est une affaire compliquée", a reconnu sur France Inter le maire RN de Perpignan: "Ce sera un débat parlementaire et, à ce moment-là, le choix sera fait".
Et pour le camp Macron, pas question de laisser Marine Le Pen poursuivre sa politique de "normalisation".
Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a ainsi jugé que "les atrocités" commises par l'armée russe en Ukraine constituaient "un point de détail" pour Marine Le Pen, en allusion aux déclarations provocatrices du père de la candidate, Jean-Marie Le Pen, sur la Seconde guerre mondiale.
"C'est une famille, un clan qui, depuis huit élections présidentielles, défend les mêmes idées", a insisté M. Macron.
A.Navarro--ESF