MeToo : à J-1, le Festival de Cannes veut en finir avec le cauchemar des rumeurs
A J-1, le Festival de Cannes comme le site d'investigation Mediapart ont tordu le cou à des rumeurs sur une prétendue liste d'auteurs de violences sexuelles planant sur le cinéma français, forgées sur les réseaux sociaux, relayées par des médias, et qui hantaient la Croisette.
L'écho donné à cette "liste" d'auteurs présumés de violences sexuelles menaçait de devenir le sujet de cette 77e édition qui démarre mardi.
Le délégué général Thierry Frémaux a pris les devants pour balayer ces bruits : "il n'y a pas de polémiques qui vienne du festival", a assuré celui qui avait été critiqué l'an dernier pour avoir accueilli le come-back de Johnny Depp, après ses procès pour diffamation autour d'accusations de violences conjugales.
Mediapart, qui joue depuis plusieurs années un rôle central dans la libération de la parole autour des violences sexuelles, a clairement démenti lundi détenir une "liste" d'auteurs présumés d'agressions. Et a dénoncé "le spectacle médiatique pathétique" donné par ceux qui y ont donné crédit.
"Depuis plusieurs jours, nous assistons, médusé·es, au parcours fou d’une prétendue +liste+, voire d’une +liste noire+ d’auteurs de violences sexistes et sexuelles que Mediapart s’apprêterait à révéler en ouverture du Festival de Cannes", déplore le site d'information.
"C’est faux, évidemment", poursuit Mediapart, qui insiste sur son travail d'enquête et de croisement des sources. Il dénonce "une rumeur émanant d’un compte complotiste, reprise sur les réseaux sociaux, alimentée par plusieurs médias et finissant dans les journaux d’information d’une matinale".
Au final, "la rumeur (...) offre une esquive à celles et ceux qui ne veulent entendre ni Judith Godrèche, ni Adèle Haenel, ni Isild Le Besco et tant d’autres.
Qui refusent de bousculer leurs certitudes, de questionner le cinéma, le rôle de l’image et de l’art dans nos représentations et la reproduction des rapports de domination et de pouvoir".
- #MeToo présent -
En crevant l'abcès, le Festival espère braquer enfin les projecteurs sur l'essentiel : les stars attendues, des monuments du 7e art, la flamme olympique qui montera le tapis rouge, ou un cinéaste iranien en exil, qui pourrait finalement venir à Cannes.
La comédienne, qui a accusé de viols deux figures du cinéma d'auteur, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, présentera un court-métrage. "Moi aussi" est réalisé avec un millier de victimes de violences sexuelles ayant répondu à son appel.
Le Festival de Cannes sera aussi politique. Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, dont le dernier film doit être projeté sur La Croisette, a annoncé lundi avoir quitté l'Iran, après avoir été condamné mercredi à une peine de cinq ans de prison dans son pays.
"Je suis reconnaissant envers mes amis, mes connaissances et les gens qui m'ont aidé, parfois au péril de leur vie, à franchir la frontière et me mettre en sécurité", écrit le réalisateur. Tout Cannes l'attend désormais.
Sur le plan social aussi, l'édition 2024 pourrait être agitée.
Un collectif, rassemblant des attachées de presse, projectionnistes, chargés de billetterie et autres travailleurs du cinéma, appelle à une grève.
Ils demandent à bénéficier du statut d'intermittents du spectacle et ont reçu le soutien d'acteurs. Le Festival s'est dit prêt au dialogue.
Autant de secousses qui feraient presque oublier la fête et les paillettes. À l'approche des JO de Paris (26 juillet-11 août), la flamme olympique gravira elle aussi les marches le 21 mai, portée par l'athlète paralympique français Arnaud Assoumani.
R.Abreu--ESF