Le conflit en Ukraine chamboule l'agenda du G20 à Washington
Les ministres des Finances et les banquiers centraux du G20 se réunissent mercredi dans l'ombre de la guerre en Ukraine, qui risque de paralyser les discussions et compromettre tout progrès sur la mise en oeuvre du cadre commun pour restructurer la dette des pays les plus pauvres.
C'est la première fois que les grands argentiers du G20 se retrouvent depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février.
Ils s'étaient quittés à Djakarta, en Indonésie, le 18 février, quelques jours avant le déclenchement de l'offensive russe, en promettant de se coordonner pour une reprise mondiale "plus forte".
L'offensive russe a considérablement assombri les perspectives, aggravant l'inflation et provoquant une crise alimentaire.
L'Indonésie, qui préside le G20, a répété qu'elle resterait impartiale après les appels pressants à exclure la Russie des réunions du groupe des vingt grandes économies mondiales dont les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Brésil, le Japon, la France et l'Allemagne.
Mais certains ministres dont la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et son homologue français Bruno Le Maire ont décidé de manifester leur mécontentement en boycottant une partie des sessions mercredi.
Ils participeront néanmoins à la réunion d'ouverture consacrée à l'économie mondiale pour signaler combien ce conflit a des répercussions partout dans le monde.
Le Fonds monétaire international a ramené sa prévision de croissance mondiale à 3,6% cette année, contre 4,4% projetés en janvier.
Il a aussi prévenu qu'un enlisement de la guerre en Ukraine et une aggravation des sanctions contre Moscou dégraderaient davantage les perspectives mondiales.
Les nations occidentales ont riposté à l'attaque sanglante en prenant des sanctions visant à couper les ressources financières de la Russie. Certaines banques russes sont exclues du système international de paiement Swift et la banque centrale n'a plus accès à certaines de ses réserves.
- Tribune pour Moscou? -
Mais les Etats-Unis et d'autres pays alliés sont favorables à augmenter la pression sur Moscou. D'autres pays comme l'Allemagne, dépendants de la Russie pour leur approvisionnement en énergie, sont moins enclins à suivre le mouvement.
Des sources gouvernementales allemandes ont indiqué à l'AFP que la délégation allemande participerait mercredi "aux réunions malgré la présence éventuelle de représentants russes".
"Nous sommes clairement d'avis que nous ne laisserons pas la Russie saboter directement ou indirectement l'important travail multilatéral", ont-elles argué.
Le ministre allemand des Finances Christian Lindner (FDP) avait lui-même déclaré lundi au journal Bild que les responsables allemands ne laisseraient "pas les mensonges et la propagande sans réponse".
Au ministère français de l'Economie, on souligne "une très forte volonté d'une large partie des membres de ces organisations de dénoncer très clairement l'invasion de l'Ukraine à chacune de ces réunions".
"Au G20, probablement plusieurs pays du G7 assisteront à la première partie de la réunion mais pourraient au niveau des ministres laisser leur chaise (vide) lorsque la Russie s'exprimera", a-t-on expliqué.
Par ailleurs, plusieurs Etats, en particulier la France, ont demandé l'invitation du ministre ukrainien des Finances Serguiï Martchenko au G20. Sa présence virtuelle ou en personne n'a cependant pas été confirmée.
La manière de traiter les représentants russes a fait l'objet de "longues discussions", notamment au sein des pays du G20 et du G7, souligne-t-on du côté allemand. L'Allemagne "n'offrira pas à la Russie une tribune pour défendre son invasion contraire au droit international", a-t-on poursuivi.
En Europe comme aux Etats-Unis, on doute de la capacité du G20 à s'entendre sur une déclaration finale commune.
Malgré les tensions entourant ce G20, le FMI et la Banque mondiale ont d'ores et déjà appelé à ne pas perdre le cap, soulignant l'urgence à mettre en oeuvre le cadre commun du G20 pour restructurer la dette des pays pauvres alors que 60% des pays à faible revenus sont en surendettement ou risque de l'être prochainement.
P.Rodríguez--ESF