Ukraine: Marioupol semble près de tomber, les combats s'intensifient dans l'Est et le Sud
Après bientôt deux mois de siège, le port stratégique ukrainien de Marioupol semblait mercredi proche de tomber aux mains des Russes, qui intensifiaient leur offensive sur l'est et le sud du pays.
Dans ce contexte, le président du Conseil européen Charles Michel est arrivé mercredi matin à Kiev pour témoigner du soutien européen, 12 jours après la visite dans la capitale ukrainienne de son homologue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
"Nous vivons peut-être nos derniers jours, voire nos dernières heures", a affirmé dans la nuit de mardi à mercredi, sur son compte Facebook, un commandant de militaires ukrainiens qui résistent toujours dans la vaste aciérie d'Azovstal, dernier îlot de résistance de Marioupol, grande ville située sur la mer d'Azov, à l'extrémité sud du Donbass.
"L'ennemi est 10 fois plus nombreux que nous", a déclaré Serguiy Volyna, de la 36e brigade de la marine nationale, sur Facebook. "Nous appelons et supplions tous les dirigeants du monde de nous aider. Nous leur demandons d'utiliser la procédure d'extraction et de nous emmener sur le territoire d'un pays tiers".
Le ministère ukrainien de la Défense a affirmé mercredi matin que l'armée russe "concentrait l’essentiel de ses efforts sur la prise de la ville de Marioupol et poursuivait ses tentatives d’assaut près de l’aciérie Azovstal".
- Evacuer les civils -
Au moins 1.000 civils, surtout des femmes, enfants et personnes âgées, sont terrés, avec les combattants, "dans les abris souterrains" de l'usine, avait affirmé mardi le conseil municipal de Marioupol, qui redoute que plus de 20.000 civils soient déjà morts dans la ville.
Dans ce contexte, Kiev a indiqué être arrivé à "un accord préliminaire" avec les Russes pour mettre en place mercredi un couloir d'évacuation depuis Marioupol. Les habitants étaient invités à se rassembler à 14H00 (11H00 GMT) pour partir vers Zaporijjia. Un voyage de 200 km devenu avec la guerre un périple, de plusieurs jours parfois, avec plus d'une dizaine de check-points à franchir.
"Compte tenu de la situation catastrophique à Marioupol, nous concentrons nos efforts sur cette direction aujourd'hui", a souligné la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk.
Mardi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait accusé les Russes de "bloquer tous les efforts pour organiser des corridors humanitaires et sauver notre peuple".
La Russie, qui a appelé mardi les défenseurs de Marioupol à cesser "leur résistance insensée" après un premier ultimatum dimanche, est déterminée à prendre ce port, qui lui permettrait de faire la jonction entre la Crimée, qu'elle a annexée en 2014, et les républiques séparatistes prorusses du Donbass.
Sa prise lui permettrait aussi d'injecter des forces supplémentaires pour renforcer son assaut visant à "libérer", selon les termes de Moscou, l'ensemble du Donbass, que les séparatistes ne contrôlent qu'en partie.
- "Tentatives d'assaut" dans le Donbass -
Les combats dans toute cette région Est de l'Ukraine se sont intensifiés depuis lundi soir.
Après une série de frappes revendiquées par Moscou mardi, le ministère ukrainien de la Défense a fait état mercredi matin de "tentatives d'assaut" sur les localités de Soulyguivka et Dibrivné, dans la région de Kharkiv, ainsi que sur Roubijné et Severodonetsk, dans la région de Lougansk.
Le gouverneur régional, Serguiï Gaïdaï, a appelé une nouvelle fois les civils à évacuer. "La situation se complique d'heure en heure", a-t-il écrit sur la messagerie Telegram. "Mettez-vous en sécurité (...) Partez", a-t-il ajouté.
Selon un haut responsable américain du département de la Défense, la Russie a augmenté sa présence militaire dans l'est et le sud de l'Ukraine, portant à 76 le total de bataillons dans le pays.
Les bombardements s'intensifiaient aussi dans le Sud, autre ligne de front, a constaté l'AFP. Les villages de Mala Tokmachka et d'Orikhiv, à 70 km au sud-est de Zaporijjia, ont vu une recrudescence des bombardements.
Alors que la guerre semblait encore lointaine la semaine dernière, "maintenant, quand ça vient du côté russe, les maisons tremblent et c'est beaucoup plus fréquent", a indiqué Vitaly Dovbnia, un habitant qui dit avoir une valise déjà prête dans le coffre de sa voiture.
Artur Kharlamov, arrivé à Orikhiv après avoir fui mardi matin Melitopol, ville du Sud sous contrôle russe, affirme avoir aperçu les troupes de Moscou creuser des tranchées à trois endroits différents sur le chemin. Et des tranchées fraîches sont également visibles côté ukrainien.
- Nouvelles armes pour l'Ukraine -
"Cette nouvelle phase" de la guerre, comme l'a qualifiée mardi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, s'annonce acharnée. D'autant que l'Ukraine reçoit désormais des armes lourdes que les Occidentaux ont longtemps hésité à lui fournir pour éviter une escalade du conflit.
Après la livraison de pièces d'artillerie Howitzer annoncées la semaine dernière par le président américain Joe Biden, les Ukrainiens ont désormais "à leur disposition plus d'avions de chasse qu'il y a deux semaines", a affirmé le porte-parole du Pentagone John Kirby.
"Sans entrer dans les détails sur ce que d'autres pays fournissent, je dirais qu'ils ont reçu des appareils supplémentaires et des pièces détachées pour accroître leur flotte" d'avions de combat, a-t-il ajouté, laissant entendre qu'il s'agissait d'appareils de fabrication russe.
Le commandement des forces aériennes ukrainiennes a cependant précisé n'avoir "pas reçu de nouveaux avions", mais "des pièces détachées pour la réparation des appareils existants".
Kiev réclamait des Occidentaux des Mig-29 (de conception soviétique) que ses militaires savent déjà piloter, et dont disposent une poignée de pays d'Europe de l'Est.
Le gouvernement norvégien a lui indiqué avoir donné à Kiev une centaine de missiles antiaériens de conception française.
Et Washington s'apprête à approuver un nouveau paquet d'aide militaire à l'Ukraine s'élevant à 800 millions de dollars, moins d'une semaine après une précédente annonce d'une tranche du même montant, ont rapporté mardi plusieurs médias américains.
Dans ces conditions, l'appel mardi du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres à stopper les combats pour une "pause humanitaire" de quatre jours à l'occasion de la Pâque orthodoxe semblait avoir peu de chances d'être entendu.
- Vers de nouvelles candidatures à l'Otan -
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, les pays européens qui ne faisaient pas partie de l'Otan semblent de plus en plus prêts à franchir le pas.
Le Parlement de la Finlande commence ainsi mercredi à débattre d'une adhésion à l'Alliance atlantique pour mieux se protéger contre une éventuelle agression de son voisin russe. Avec une candidature désormais "très probable" dans les semaines qui viennent, malgré les messages de dissuasion envoyés par Moscou.
Le débat est suivi de près par la Suède voisine, qui envisage elle aussi de rejoindre l'Otan.
Les Etats-Unis et leurs alliés, réunis mardi en visioconférence, ont aussi annoncé qu'ils allaient, afin "d'accentuer la pression sur le Kremlin", adopter "de nouvelles sanctions".
Si l'ensemble de la croissance mondiale est ralentie par le conflit, la Russie, déjà sous le coup de sanctions d'une ampleur inédite, devrait voir son économie se contracter de 8,5% cette année, selon de nouvelles prévisions du Fonds monétaire internationale (FMI) mardi.
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J.Suarez--ESF