"Au travail !" Les réfugiés ukrainiens au défi de s'intégrer en Allemagne
Comme plus d'un million de ses compatriotes, Valentyna Vysotska a fui l'Ukraine pour l'Allemagne après l'invasion russe. Dix mois de cours intensif d’allemand l’ont aidée à trouver du travail dans un salon de coiffure de Berlin.
"Mon allemand n'est pas très bon, mais mon patron, mes collègues et les clients sont tous très compréhensifs", assure cette femme de 54 ans, à l'AFP.
Mme Vysotska est un exemple comme aimerait en voir davantage le chancelier Olaf Scholz. Parmi les Ukrainiens arrivés ces deux dernières années, seuls 170.000 ont trouvé un emploi.
M. Scholz exhorte désormais les nouveaux arrivants à voler de leurs propres ailes.
"Nous leur avons proposé des cours d'intégration et d'allemand. Maintenant, ils doivent trouver du travail", a récemment déclaré le dirigeant.
Le coût de l'accueil n’est pas la seule raison de cet empressement - entre 5,5 et 6 milliards d'euros ont été alloués cette année à la prise en charge des seuls Ukrainiens.
L'immigration et l'intégration sont des sujets majeurs des élections européennes en Allemagne. Les conservateurs et l'extrême-droite, crédités respectivement des première et deuxième places dans les sondages, soutiennent que la plus grande économie d'Europe, déjà en difficulté, doit donner la priorité à ses propres citoyens.
Sous pression, la coalition des sociaux-démocrates avec les écologistes et les libéraux, durcit les règles applicables aux demandeurs d'asile.
Parmi les récentes mesures figure l'introduction d'une carte de paiement qui remplace l'allocation jusqu'ici versée en liquide à ces derniers. L'opposition conservatrice reprochait à ce système d'être trop attrayant, donnant la possibilité pour les migrants d'envoyer de l'argent dans leur pays d'origine.
Mais la stratégie du gouvernement passe avant tout par l'intégration sur le marché du travail, une démarche qui avait porté ses fruits lors de l'accueil de dizaines de milliers de réfugiés syriens il y a dix ans.
- Obstacles bureaucratiques –
Pour Civan Ucar, le patron de Vysotska, c'est un soulagement d'avoir trouvé cette employée avec 35 ans d’expérience comme coiffeuse dans son pays d'origine.
"Il est très difficile de trouver du personnel qualifié », explique-t-il alors que l’Allemagne, pays à la population vieillissante, souffre d’une pénurie de main d’œuvre aîgue.
Le recrutement s’est fait via un salon professionnel, dans le cadre de l’initiative "Turbojob" lancée l'an dernier par le gouvernement pour pousser les agences pour l’emploi à proposer davantage d'offres aux réfugiés, avec l'idée de réduire les aides sociales si les propositions d'embauche sont refusées.
Les entreprises sont également appelées à recruter du personnel sans maîtrise parfaite de l'allemand et à les aider pour acquérir des qualifications. Parmi elles, la poste, les chemins de fer Deutsche Bahn et les supermarchés Rewe ont particulièrement embauché.
Civan Ucar, enfant d'immigrés turcs et propriétaire d'un salon de coiffure dans un quartier cossu de Berlin, estime le niveau de langue de sa nouvelle employée ne pourra que s’améliorer en travaillant
"Nous apprenons l'allemand plus rapidement lorsque nous travaillons, car nous sommes obligés de parler avec nos collègues ", estime-t-il.
Mais la langue n'est qu'un des nombreux obstacles auxquels se heurtent les demandeurs d'emploi ukrainiens.
Pour Andreas Peikert, qui dirige une agence pour l'emploi à Berlin, les Ukrainiens accueillis en Allemagne sont principalement des femmes et des enfants, mais "nous avons trop peu de places dans les jardins d'enfants et les écoles".
"Si une mère n'est pas sûre de pouvoir faire garder ses enfants, elle ne cherchera pas de travail", a-t-il observé dans le quotidien TAZ.
Une étude de la Fondation Friedrich Ebert a également révélé que l'Allemagne pose beaucoup plus d'obstacles administratifs à l’embauche que des pays comme la Pologne ou les Pays-Bas, où 60 à 70 % des Ukrainiens ont un emploi.
Les professionnels doivent obtenir des qualifications équivalentes en Allemagne pour être autorisés à exercer, et des demandes fastidieuses doivent être faites pour que les diplômes soient approuvés et reconnus par les autorités. Un niveau élevé d'allemand reste souvent exigé pour les emplois de bureau.
Les autorités allemandes incitent également les nouveaux arrivants à revoir leurs attentes et à faire le premier pas.
"Il ne s'agit pas de trouver le job de ses rêves, observe le ministre du Travail Hubertus Heil, mais d'entrer sur le marché du travail puis de gravir les échelons".
V.Morales--ESF