Enfance: les violences dans le sport toujours banalisées
Les violences éducatives ordinaires vis-à-vis des enfants, qu'elles soient verbales, psychologiques ou physiques, restent banalisées dans le milieu sportif malgré leurs conséquences néfastes, déplorent la Fondation pour l'Enfance et des acteurs du secteur, à l'approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
Selon un baromètre réalisé en avril par l'Ifop auprès de 1.007 parents d'enfants âgés de 0 à 10 ans, 38% rapportent des comportements inappropriés dans le cadre des activités sportives de leurs enfants.
Il s'agit le plus souvent de violences verbales (19%), psychologiques (15%) et de négligences (14%). Suivent les violences physiques (11%) et sexuelles (9%).
Plus inquiétant, selon la Fondation: près de la moitié des parents interrogés jugent difficile voire impossible d'entraîner un enfant sans crier, 34% sans le punir, 27% sans le bousculer et 26% sans le gifler ou lui donner une fessée.
De manière générale, un tiers des parents considèrent que la violence dans le sport "est normale et nécessaire pour permettre à l'enfant de progresser et réussir", déplore la directrice de la Fondation pour l'Enfance, Joëlle Sicamois, auprès de l'AFP.
Soulignant que le sport "peut être un outil fabuleux d'émancipation et de bien-être", elle plaide pour une évolution des méthodes d'entraînement, pour amener les enfants à se dépasser "sans leur hurler dessus, les humilier, se moquer". Car ces comportements peuvent créer "des séquelles", notamment sur "la confiance en soi".
- "Nulle" -
Pour l'ex-spécialiste du 3.000 m steeple Emma Oudiou, les violences ordinaires sont de "toutes petites choses qui, quand elles sont répétées, font beaucoup de mal". Elle cite "des remarques sur le poids", qui peuvent amener à des troubles du comportement alimentaire, des "blagues sur le corps" y compris les parties intimes, le fait de s'entendre dire qu'on est "trop faible mentalement" après un échec.
"T'es grosse, t'arriveras à rien, t'es nulle..." Voilà ce qui peut être lancé, confirme Katia Palla, directrice de l'association de prévention des violences dans le sport La Voix de Sarah, créée par l'ancienne championne de patinage Sarah Abitbol, victime, adolescente, de viols répétés par son entraîneur.
Si la question des violences sexuelles dans le sport a été médiatisée ces dernières années, elles s'inscrivent, selon Joëlle Sicamois, dans "un continuum de violences".
"Les violences sexuelles sont directement liées à d'autres types de violences, psychologiques et physiques", renchérit Emma Oudiou, qui stoppé sa carrière en 2021 en raison du climat violent, affirmant notamment avoir été victime en 2014 d'agressions sexuelles par un coach en équipe de France.
- "Isolement" -
Les signaux d'alerte peuvent être "un changement de comportement de l'enfant, dans la manière dont il s'alimente, le fait qu'il s'isole", explique-t-elle, en plaidant pour plus de formation et sensibilisation.
"Il faut aider les adultes à prendre conscience des mots qui peuvent être humiliants" et "des gestes qui pourraient sembler anodins mais qui sont déjà des agressions", en définissant par exemple un cadre pour la façon dont l'entraîneur peut toucher le corps d'une gymnaste ou a le droit d'entrer dans les vestiaires, détaille Katia Palla.
"Il faut aussi encourager ce qui est bien fait plutôt que de pointer la contre-performance, amener les enfants à dépasser leurs propres résultats plutôt que d'être dans une logique de comparaison", souligne Joëlle Sicamois.
Des changements ont déjà eu lieu, avec le vote en février d'une loi imposant aux clubs de contrôler que les entraîneurs et bénévoles ne soient pas inscrits au fichier des délinquants sexuels et que le bulletin 2 de leur casier judiciaire soit vierge, pour éviter notamment tout auteur d'actes violents, racistes ou de harcèlement, souligne la députée écologiste Sabrina Sebaihi, à l'origine d'une commission d'enquête parlementaire sur le monde sportif.
Mais, ajoute-t-elle, alors qu'"un enfant sur sept subit des violences dans le milieu sportif avant sa majorité, selon un rapport du Conseil de l'Europe", il reste "énormément de progrès à faire".
A.Pérez--ESF