Les marchés financiers questionnent les conséquences d'un gouvernement d'extrême droite sur la dette française
Sur les marchés financiers, les investisseurs s'interrogent sur les conséquences d'une éventuelle arrivée de l'extrême droite au pouvoir sur la dette de la France, après l'annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Les récents développements politiques ont fait grimper le taux d'emprunt français à dix ans, qui continuait son ascension mardi, si bien que l'écart avec le taux allemand à même échéance a atteint un record depuis 2020.
Le taux d'emprunt français à dix ans est monté jusqu'à 3,32% mardi après avoir déjà progressé la veille. Vers 14H50 GMT, il s'établissait à 3,23% quand, au même moment, son équivalent allemand, considéré comme étant le plus sûr en Europe, était à 2,62%.
L'écart entre ce taux français et son équivalent allemand s'est nettement accru au cours de la séance. Or, cet écart - appelé "spread" - est un indicateur de la confiance des investisseurs dans les perspectives économiques de long terme d'un pays.
"Il y a eu une accélération autour de 11 heures après les rumeurs d'une éventuelle démission d'Emmanuel Macron, démenties par l'Elysée", note Aurélien Buffault, gérant obligataire chez Delubac AM.
La situation sur les marchés "illustre les craintes de détérioration de la qualité de crédit de la France par rapport à l'Allemagne et c'est lié au caractère dispendieux des mesures possibles d'un point de vue budgétaire" en cas de victoire du Rassemblement national en France, explique Lionel Melka, gérant de Swann Capital.
Le président français Emmanuel Macron a répondu à la victoire historique de l'extrême droite aux élections européennes dimanche par une dissolution surprise de l'Assemblée nationale.
Or, si le parti d'extrême droite français obtient aux législatives anticipées des résultats qui lui permettent d'accéder au gouvernement, cela sera synonyme d'une "augmentation des déficits budgétaires", prévoit Neil Wilson, analyste de Finalto.
- La dette dans le radar des marchés -
Cette incertitude émerge dans un contexte où le pays a récemment vu sa note de crédit dégradée d'un cran par l'agence de notation S&P.
Le 31 mai, S&P avait sanctionné l'aggravation des déficits publics du pays et expliqué ne pas croire à la promesse d'un rétablissement des comptes d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron en 2027.
La dissolution "accroît les risques" qui pèsent sur la maîtrise budgétaire de la France, et donc sur sa note, a pour sa part relevé lundi soir l'autre influente agence de notation, Moody's, qui s'attend à ce qu'aucun parti n'ait de majorité absolue dans la prochaine Assemblée.
Elle remarque que "le fardeau de la dette française est le plus élevé parmi ses pairs notés de manière similaire" et que "le rythme de réduction du déficit de la France sera plus lent que celui de la plupart de ses pairs européens".
La dette de la France est supérieure à 110% de son PIB, alors que celle de l'Allemagne n'atteint que 64% de la production de richesse du pays, rappelle Aurélien Buffault.
"C'est là où on arrive dans un cercle vicieux: le coût de la dette augmente parce qu'on attribue à la France un risque de solvabilité", qui se traduit par une hausse du taux d'intérêt qu'elle doit accepter de payer pour pouvoir emprunter, souligne-t-il.
Alors que le marché obligataire est le principal levier de financement de l'Etat, emprunter plus cher signifie pour la France un coût de financement plus élevé, ce qui peut contribuer à aggraver son endettement et à creuser davantage son déficit.
Par ailleurs, selon les données les plus récentes de l'Agence France-Trésor, au quatrième trimestre 2023 la dette française était détenue à 53,2% par des investisseurs étrangers "pour qui la question de détenir de la dette française se pose" dans le contexte politique incertain actuel, poursuit M. Buffault.
Sur le marché obligataire, un tel écart entre les taux d'emprunt français et allemand pour des raisons de politique nationale ne s'était plus vu "depuis 2017, lorsqu'il y avait un risque de voir un second tour des présidentielles entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen", note Lionel Melka.
V.Duran--ESF