En Macédoine du Nord, les apiculteurs s'organisent face au réchauffement climatique et aux maladies
Chaque jour, Magda Miloseska enfile son costume blanc et son casque et se faufile à l'arrière de sa maison, dans l'ouest de la Macédoine du Nord, pour rejoindre ses milliers d'abeilles.
Depuis plus de 20 ans, elle s'en occupe et récolte leur miel à Stence, un petit village entouré de montagnes à 650 mètres d'altitude, où les températures dépassent déjà les 30 degrés.
A 62 ans, l'apicultrice parle avec passion de ses abeilles. Mais elle ne peut s'empêcher de voir à quel point le travail devient plus difficile d'année en année.
"Avant, c'était beaucoup plus facile", explique Magda. "L'apiculture, c'était un plaisir".
"Aujourd'hui, on doit se battre. Contre le réchauffement climatique, contre les maladies", ajoute-t-elle, mentionnant notamment le Varroa destructor, un acarien parasite apparu dans les années 1970 en Europe - un véritable cauchemar pour les abeilles, capable d'anéantir une colonie en deux ou trois ans.
"Les apiculteurs les plus anciens disent qu'ils récoltaient 30 à 50 kilos de miel par essaim", précise l'apicultrice. "En ce moment, avec ce climat, on est plus autour de 20 kilos".
Le kilo se vend sur les étals entre 15 et 20 euros.
- Biodiversité -
Environ 10% des abeilles et des papillons sont menacés d'extinction en Europe - en grande partie à cause des activités humaines, pointent les dernières études européennes.
Selon l'Agence alimentaire et vétérinaire, 6.900 apiculteurs élevaient 306.000 essaims d'abeilles en 2023 en Macédoine du Nord. Un hobby pour certains, une source de revenus pour d'autres.
Les abeilles n'ont pas seulement un rôle dans la production alimentaire, elles sont aussi essentielles à la biodiversité.
Selon une publication du programme des Nations Unies pour l'environnement, sur les 100 plantes qui fournissent 90% de la nourriture consommée dans le monde, 71 sont pollinisées par les abeilles.
Les organisations environnementales qui travaillent sur la biodiversité avertissent que pour relever le défi que le réchauffement climatique pose aux abeilles, une coordination stricte entre toutes les parties prenantes est nécessaire, du ministère de l'Agriculture à l'Agence pour l'alimentation et la santé animale en passant par les universités et l'Office national de la statistique.
Mais les institutions de Macédoine du Nord n'en ont rien fait pour l'instant, et aucune donnée officielle n'est disponible sur l'effet du réchauffement climatique sur les abeilles.
Le ministère de l'Environnement reconnaît simplement que le réchauffement climatique représente un danger pour les essaims et accuse l'agriculture intensive, les pesticides et la pollution, tout en recommandant de surveiller les habitudes des abeilles.
Frosina Pandurska Dramikjanin a travaillé sur un projet visant à comprendre l'influence du changement climatique sur les abeilles. Selon elle, aucune mesure appropriée ne peut être prise sans "des données structurées, interconnectées entre les institutions compétentes".
Leur absence "rend plus difficile l'élaboration de mesures et de recommandations", déplore Mme Pandurska Dramikjanin, coordinatrice de projets à la Société écologique macédonienne, une ONG.
Alors les apiculteurs essayent de s'organiser entre eux, partageant informations et expérience. Ils se retrouvent dans des associations régionales, organisent des festivals du miel et des séminaires en invitant des experts venus de pays voisins.
Ils en sont convaincus, le principal défi ces dernières années, ce sont les hivers trop chaud, les changements de température brutaux au printemps, et les longs épisodes de sécheresse en été et à l'automne.
Vladimir Petroski travaille au ministère de l'Intérieur, mais quand il a du temps libre, il s'occupe de 120 essaims qu'il possède depuis 13 ans. Lui aussi estime que les abeilles sont en danger et accuse les conditions climatiques, qui alimentent le développement de parasites et de virus.
Il note également la baisse des rendements d'un essaim d'abeilles aujourd'hui, par rapport à ce qu'ils étaient il y a 20 ou 30 ans.
"Nous nous contentons de 15 kilos de miel en moyenne par essaim. Avant, on récoltait de 30 à 40 kilos". Une seule solution, selon lui: "Les apiculteurs doivent se former et s'adapter au climat".
A.Abarca--ESF