Chine : cinq ans de prison pour une militante #MeToo
Une journaliste chinoise qui avait tenté de lancer dans son pays le mouvement #MeToo a été condamnée vendredi à cinq ans de prison pour "incitation à la subversion de l'Etat", a annoncé le collectif qui la soutient.
La journaliste Sophia Huang Xueqin était poursuivie à Canton (sud) en même temps que le militant syndical Wang Jianbing, qui a lui écopé de trois ans et six mois de prison pour le même motif, selon le collectif.
Sophia Huang Xueqin avait décrit sur les réseaux sociaux son expérience de harcèlement sexuel quand elle était jeune journaliste dans une agence de presse chinoise, à la suite du mouvement #MeToo.
Les deux sont en détention depuis 2021. La journaliste a annoncé son intention de faire appel, le militant ne s'est pas encore prononcé, a précisé le collectif, qui a publié des extraits du jugement sur le réseau social X.
Le tribunal de Canton n'était pas joignable dans l'immédiat vendredi et le jugement n'était pas publié sur le base de données nationale des tribunaux.
Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits Amnesty International a dénoncé des "condamnations malveillantes et totalement infondées".
- "Effet dissuasif" -
"Ces condamnations (...) auront un effet dissuasif supplémentaire sur les droits de l'homme et la défense sociale, dans un pays où les militants sont confrontés à une répression croissante de la part de l'État", a réagi Sarah Brooks, directrice pour la Chine de l'organisation, citée dans le communiqué.
"L'activisme #MeToo a donné du pouvoir aux rescapées de violences sexuelles dans le monde entier, mais ici, les autorités chinoises ont cherché à faire exactement le contraire en l'éliminant", a-t-elle ajouté, appelant à la libération "immédiate et sans condition" des deux condamnés.
Plus tôt dans la journée, le Comité de protection des journalistes (CPJ) avait demandé "la libération inconditionnelle et immédiate (de Sophia Huang Xueqin, ndlr) et l'abandon des charges contre elle".
Interrogé sur cette affaire, Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a répondu en assurant que "la Chine est un pays où règne l'État de droit, qui garantit les droits légitimes de chaque citoyen conformément à la loi".
Mais "toute personne qui enfreint la loi se verra infliger une sanction légale", a-t-il prévenu.
Une censure très réactive sur internet et les nombreux obstacles légaux auxquels se heurtent les plaignantes ont considérablement freiné le mouvement #MeToo en Chine, qui demeure un pays profondément patriarcal.
Un cas emblématique avait été celui de Peng Shuai, ancienne N.1 mondiale de tennis en double et star dans son pays, qui avait affirmé en 2021 avoir eu un rapport sexuel forcé et une relation extraconjugale avec un puissant ex-responsable du Parti communiste.
Son message avait été rapidement censuré sur l'internet chinois.
Beaucoup de Chinoises qui, comme la championne, ont osé dénoncer de tels agissements, ont vu les faits se retourner contre elles.
- "Discours provocateurs" -
Lors de l'audience en septembre 2023, le procureur municipal avait accusé Sophia Huang Xueqin et Wang Jianbing d'avoir "organisé des réunions régulières à Canton" dans le but de saper l'autorité de l'État, selon le groupe de soutien.
Lors de ces réunions, tenues à partir de novembre 2020, ils avaient "encouragé les participants à manifester leur mécontentement à l'égard du pouvoir chinois sous prétexte de discuter de questions sociales", selon la même source.
La journaliste chinoise a été accusée d'avoir "publié des articles et des discours déformés et provocateurs attaquant le gouvernement national sur les réseaux sociaux" et d'avoir "rassemblé des organisateurs à l'étranger pour participer à une formation en ligne sur des actions non-violentes".
Le parquet reprochait à Wang Jianbing d'avoir publié "des articles et discours erronés attaquant le système politique et le gouvernement chinois" et d'avoir rejoint "des groupes (subversifs) en ligne à l'étranger", dont l'un commémorant la répression meurtrière des manifestations de la place Tiananmen en 1989, selon l'acte d'accusation présenté.
Ses partisans s'étaient inquiétés début 2023 de ce que Sophia Huang Xueqin avait perdu beaucoup de poids, avait des maux de dos et n'avait plus ses règles, suggérant des problèmes de santé.
Ces dernières années, les autorités chinoises répriment de façon croissante les mouvements issus de la société civile et les défenseurs des droits.
D.Cano--ESF