L'automobile, secteur malade de l'Europe?
Stellantis, Volkswagen, Mercedes: de nombreux constructeurs européens ont annoncé des objectifs de résultats à la baisse au deuxième semestre, faisant craindre une nouvelle crise dans l'industrie automobile du continent.
Volkswagen a ouvert ce bal morose début septembre en annonçant un plan drastique d'économies et la possible fermeture d'usines. BMW a annoncé de son côté qu'il vendrait moins de voitures sur l'année qu'en 2023.
Le champion des profits Stellantis (Peugeot, Fiat, Chrysler) a indiqué lundi qu'il n'atteindrait pas son objectif répété de marge opérationnelle à deux chiffres, se repliant entre 5,5% et 7% pour l'année 2024.
Après plusieurs trimestres de profits record, tous ces constructeurs sont rattrapés par une conjonction de troubles, menaçant les 2,4 millions de salariés du secteur en Europe.
Le marché automobile européen est resté sur des volumes de vente faibles depuis la pandémie, avec un total de près de 7,2 millions d'immatriculations depuis le début de l'année 2024, selon les chiffres des constructeurs.
Des tarifs élevés en concessions et un contexte économique morose n'incitent pas à changer de voiture, selon les analystes.
"Après deux années de marges à deux chiffres, les constructeurs automobiles européens constatent actuellement que dès lors qu’il pleut, il pleut des cordes", a commenté Kevin Thozet, de la société de gestion d'actifs Carmignac.
- "En grand danger" -
La filière automobile européenne est "en grand danger", a martelé mercredi Luc Chatel devant le Sénat français, en tant que représentant des constructeurs et équipementiers français.
Leur autre point commun est "la faiblesse du marché sur les véhicules 100% électriques", souligne François Roudier, secrétaire général de l'Organisation internationale des constructeurs d'automobiles (OICA).
Le rythme de l'électrification cale en Europe (12,6% des ventes sur les huit premiers mois de 2024 contre 13,9% un an plus tôt), mais aussi aux Etats-Unis et en Chine.
La concurrence de Tesla et des constructeurs chinois, ainsi que l'entrée en vigueur en Europe en 2025 de normes de CO2 plus sévères, rendent également les perspectives plus négatives. S'ils réalisaient de bonnes marges sur les véhicules thermiques, ils font encore face à des investissements importants pour développer leurs véhicules électriques, qui ne se vendent pas assez vite.
Plusieurs constructeurs ont ainsi revu leurs objectifs d'électrification à la baisse, privilégiant les hybrides, dont les ventes explosent.
S'ajoutent à cela des problèmes propres à chacun. Les géants allemands, très dépendants de la Chine, sont touchés par la détérioration de son économie "en raison de l'affaiblissement de la consommation et du ralentissement persistant du secteur immobilier", avait expliqué Mercedes, dont les voitures haut de gamme se vendent moins.
Stellantis, de son côté, rencontre des difficultés en Amérique du Nord, son habituelle machine à cash: les concessionnaires américains peinaient à écouler des véhicules trop chers, alors le groupe multiplie les promotions depuis quelques mois, limitant ses marges. Les comptes du groupe doivent toutefois lui permettre d'affronter ce trou d'air.
En conséquence, des équipementiers comme Forvia (intérieurs) et Autoliv (airbags) ont aussi révisé à la baisse leurs objectifs de résultats.
"On a eu des mauvaises nouvelles. On ne voit pas, d'ici la fin de cette année, comment le marché [automobile] pourrait se rétablir", a résumé le directeur général de Forvia, Patrick Koller. "Nous pensions que les moteurs thermiques allaient compenser la réduction de la motorisation électrique et ça ne s'est pas fait".
"Les performances du secteur automobile au cours des prochains mois sera limité par les fondamentaux qui devraient se détériorer jusqu'en 2025", a commenté la banque UBS dans une note publiée lundi.
Pour rebondir, certains observateurs comme BMI Research (cabinet associé à Fitch) ou le cercle de réflexion Transport & Environment prévoient une forte croissance des ventes d'électriques en Europe en 2025, poussée notamment par l'arrivée de modèles plus abordables, et les achats des flottes d'entreprises.
L'application de droits de douane (réduits) sur les véhicules chinois pourrait aussi, à court terme, "soulager un secteur qui a connu une série de mauvaises nouvelles et dont les attentes ont été largement revues à la baisse", selon Kevin Thozet de Carmignac. Mais le risque "comme c'est souvent le cas sur le continent, est que la réponse européenne soit trop faible et trop tardive", selon lui.
C.Abad--ESF