A Gaza et en Cisjordanie, une récolte des olives dans la peur de la guerre et des colons
Dans la bande de Gaza, la cuvée 2024 des olives sera maigre à cause des pénuries et de la guerre qui ravage depuis un an le territoire palestinien, tandis qu'en Cisjordanie, certains fermiers n'entrent même plus dans leurs oliveraies de peur des attaques des colons israéliens.
"Nous sommes heureux que la saison des olives ait commencé mais nous avons peur car nous sommes en état de guerre", explique à l'AFP Rami Abou Assad, qui possède des champs à Deir el-Balah et vient presser ses olives au moulin à huile d'al-Zawayda, à quelques kilomètres au nord.
Ses ouvriers, qui cueillent les olives à la main, guettent le moindre bruit d'un avion de chasse qui pourrait bombarder les environs.
"Ça se voit bien que nous sommes des ouvriers et que nous ne faisons rien d'autre", assure-t-il alors que les troupes israéliennes mènent une nouvelle offensive dans le nord du territoire où, selon Israël, le Hamas tente de reconstituer ses forces.
Selon l'ONU, 68% des surfaces agricoles ont été endommagées et les agriculteurs n'ont pas pu fertiliser ni arroser leurs terres.
"Le nombre d'oliviers restant est très réduit et les coûts sont très élevés", dit Rami Abou Assad.
- Pénurie et hausse des prix -
Jamal Abou Chaouich, un ingénieur agricole, explique que la production pourrait atteindre seulement 15.000 tonnes cette année, contre 40.000 tonnes les années précédentes.
Les pénuries et les destructions impacteront aussi la qualité de ces fruits, alors que les prix du pressage sont exorbitants à cause du manque de carburant pour faire tourner les machines à trier les olives et à presser l'huile.
En Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, c'est la peur des attaques des colons israéliens qui empêche les Palestiniens d'accéder à leurs oliveraies, quand elles n'ont pas été endommagées ou détruites.
Khaled Abdallah ne récoltera pas d'olives cette saison sur ses terres situées près de la colonie israélienne de Beit El.
"Je n'ai même pas envisagé de me rendre sur ces terres proches de la colonie, car la situation est très dangereuse", dit-il à l'AFP.
Cette année, il se contente des olives de sa propriété dans le village de Jifna, au nord de Ramallah.
Comme d'autres Palestiniens propriétaires de terres oléicoles proches des colonies, Khaled Abdallah se coordonnait avec des ONG israéliennes pour obtenir des permis spéciaux pour les récoltes.
Mais "il n'y a plus d'organisations de défense des droits capables de nous protéger des attaques des colons, et il n'y a plus de coordination", lâche-t-il.
Jeudi, une Palestinienne a été tuée par balle en récoltant des olives près de Jénine, à proximité de la barrière de sécurité séparant Israël de la Cisjordanie. Selon sa famille, elle a été tuée par "un Israélien portant un uniforme militaire".
- Des affrontements "chaque jour" -
L'armée israélienne, contactée par l'AFP, assure que tout est fait pour "garantir la sécurité de la région et de ses résidents tout en permettant aux résidents locaux de récolter leur production".
Pour de nombreuses familles palestiniennes pauvres, la saison des olives constitue une source de revenus essentielle mais les oliveraies sont depuis des décennies une source de tensions entre fermiers palestiniens et colons israéliens de Cisjordanie, notamment pour l'accès aux terres.
Et la violence s'est intensifiée depuis le début de la guerre à Gaza.
Les attaques de colons ont augmenté "de manière significative" cette année, souligne l'ONG israélienne de défense des droits humains Yesh Din.
Selon la porte-parole de l'ONG, Fadia Qawasmi, des fermiers du village de Madama, au sud de Naplouse (nord), ont été empêchés pendant trois jours d'accéder à leurs parcelles. Des colons ont aussi endommagé leurs véhicules.
"Les propriétaires ont été expulsés de leurs terres par des colons", raconte Abdallah Ziada, chef du conseil du village de Madama. "Chaque jour, il y a des affrontements".
"Nous ne pouvons pas distinguer ceux qui nous arrêtent, s'ils sont des colons ou des soldats, car ils sont parfois en tenue civile et armés, et d'autres fois en uniforme militaire", observe M. Ziada.
S.Elizondo--ESF